
En 1998, plusieurs institutions spécialisées de l’ONU ont réalisé une étude |1| pour tenter d’évaluer les ressources financières nécessaires à la réalisation des droits humains suivants : éducation primaire, accès à l’eau potable, aux soins de santé de base (incluant la nutrition) et à des infrastructures sanitaires, ainsi que l’accès aux soins de gynécologie et d’obstétrique. Ce rapport concluait qu’avec 80 milliards de dollars par an pendant 10 ans, en plus de ce qui était déjà dépensé dans les secteurs concernés, il serait possible de garantir universellement la satisfaction de ces droits |2|. Cette étude a très largement servi de base pour la mise en place des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Le coût nécessaire à la réalisation des OMD a été réactualisé en 2012 |3|. Celui se montait à 120 milliards de dollars.
Nous ne reviendrons pas sur toutes les faiblesses et contradictions des OMD. Soulignons simplement ici que ce montant est largement insuffisant. Pour nous, chaque être humain doit pouvoir manger à sa faim. La faim dans le monde ne doit pas être réduite, elle doit être supprimée. Les OMD mettent également de côté certains droits humains fondamentaux, comme le logement (plus d’un milliard de personnes vivent dans des taudis) ou encore l’éducation secondaire et supérieure. Ils ne prennent pas non plus en compte les coûts liés à la sauvegarde des équilibres écologiques de la planète. A titre d’exemple, la seule « adaptation » des pays du Sud au changement climatique, selon le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), nécessiterait des investissements de 86 milliards de dollars par an |5|.
Combien faudrait-il pour que chaque être humain puisse vivre dignement dans un environnement de qualité ? Faudrait-il multiplier ce montant par 4, 5, plus encore ? C’est difficile à dire, d’autant plus que les besoins financiers évoluent en fonction de beaucoup de facteurs. Dans tous les cas, répétons-le : ce montant est totalement insuffisant. Il constitue cependant un point de référence, un ordre de grandeur qui peut nous aider à répondre à une question importante : est-il possible de trouver au niveau mondial la somme nécessaire au financement d’un développement socialement juste et respectueux de l’environnement ?
Dans cet article, nous développerons essentiellement des propositions à un niveau global. Il est cependant évident qu’une série de ces mesures, mais aussi d’autres, pourraient et devraient s’envisager à un niveau national. On pense notamment à des mesures renforçant la justice fiscale ou consistant à reprendre le contrôle des ressources et secteurs stratégiques.
Trouver l’argent est une chose, s’assurer qu’il sera investi de manière efficace vers les secteurs concernés en est une autre. Si ce n’est pas l’objet de cet article, il ne faut cependant pas négliger cette difficulté et ce défi de garantir un contrôle démocratique et une gestion efficace des ressources disponibles pour le développement humain. Il serait cependant absurde de ne pas entreprendre cette démarche sous prétexte que l’argent trouvé ne serait pas correctement utilisé. (...)
– Annuler la dette publique des pays du Sud et du Nord (1) (...)
– Récupérer les avoirs volés par les régimes dictatoriaux (biens mal acquis) (2) (...)
– Lutter contre la corruption (3)
– Lutter contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux (4) (...)
– Augmenter et transformer radicalement l’aide publique au développement (5) (...)
– Appliquer une taxe Tobin |20| (6) (...)
– Appliquer une taxe « Robin des bois » (7) (...)
– Augmenter et harmoniser l’impôt sur les bénéfices des grandes entreprises (8) (...)
– Diminuer certaines dépenses et les transférer vers d’autres secteurs (9) (...)
– Instaurer un impôt exceptionnel et structurel sur les grosses fortunes (10) (...)
En guise de conclusion
Les mesures proposées ci-dessus ne sont que quelques exemples parmi plusieurs dizaines d’autres mesures qui pourraient être immédiatement, et assez facilement, mises en place. Les ressources financières ne manquent pas pour financer le développement et la satisfaction des droits humains.
Comme on le voit avec le tableau ci-dessous, il est possible de trouver plus de 20 000 milliards de dollars ! Il est important de ne pas se braquer sur les montants. Mais dans tous les cas, une chose est sûre : la construction de l’Alternative n’est pas un problème financier. Financer le développement, c’est avant tout un problème de choix politiques et économiques. Le slogan « Prendre l’argent là où il est ! », porté depuis des décennies par de nombreux mouvements sociaux et partis politiques, et souvent tourné en dérision comme étant trop simpliste, est en réalité tout à fait valable.