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22 000 salariés dans les mains de vautours de la finance
Article mis en ligne le 3 novembre 2016

Vivarte est le premier groupe d’habillement français : André, San Marina, Caroll, Kookai, Naf Naf, La Halle aux chaussures etc... tout le monde connaît. Depuis 15 ans, l’entreprise est aux mains des financiers : investisseurs au départ, fonds vautours aujourd’hui. Dans l’indifférence générale.

Vivarte est le plus gros groupe d’habillement en France. Sauf rare exception, vous ne trouverez rien de Made In France dans ses enseignes, mais c’est un groupe bien français à l’origine. Plus de centenaire.

Tout a commencé à Nancy par une usine de chaussure en 1896, puis un premier magasin à Paris en 1903. Magasin André. Pendant 100 ans, ce fut d’ailleurs le nom de l’entreprise... puis au début des années 2000, tout a changé.

Fini l’actionnariat familial, fini le nom André. L’entreprise alors florissante et qui a bien grandie est rachetée par des investisseurs, rebaptisée VIVARTE, puis revendue, puis rachetée, puis encore revendue.

A chaque fois les acquéreurs auront un profil de plus en plus financier.

Depuis 2014, rien ne va plus, les PDG valsent, il y en a eu quatre en 2 ans. Le dernier, Stéphane Macquaire a été limogé par les actionnaires jeudi dernier, six mois après avoir été nommé, trois semaines après avoir présenté sa stratégie sur 5 ans. (...)

Vivarte est un cas emblématique du capitalisme financier poussé à son paroxysme : les administrateurs de l’entreprise sont aussi ses actionnaires....

Généralement, il y a une séparation des rôles. Les actionnaires apportent l’argent et espèrent un retour sur investissement. Ils sont représentés au conseil d’administration mais le conseil est censé voir à plus long terme dans l’intérêt du projet de l’entreprise.

Pas chez Vivarte. Le conseil d’administration est dominé par des fonds que l’on peut appeler fonds de private equity, hedge funds ou encore fonds vautours. Des fonds américains essentiellement dont les principaux impliqués dans Vivarte sont :

Alcentra
Oaktree
Babson, un fonds appartenant à Barings
GLG Partners

Si vous parlez anglais rendez vous sur les sites des ces quatre principaux actionnaires, vous ferez une incursion dans le monde de ce qu’on appelle les "fund managers", les gestionnaires de fond. Il en existe toute une variété. Ils sont un des leviers de financement des entreprises. Ce n’est pas nécessairement mauvais, c’est même un moyen de financer, notamment les entreprises de taille intermédiaire.

Les fonds qui ont investi dans Vivarte pratiquent à grande échelle le rachat de dette d’entreprise en difficulté. On les nomme vautours, car ils ont ensuite pour objectif d’en prendre le contrôle en transformant cette dette en capital, de rétablir la situation de l’entreprise, ou la liquider, récupérer leur mise (s’ils peuvent) et partir. C’est un business à part entière, on appelle ça le marché de la "distressed debt", la dette décotée.

La stratégie des fonds vautours (...)

En 2014, quasi faillite, la dette est décotée, et c’est là, deuxième étape, que les fonds vautours arrivent, rachètent la dette pour 800 millions d’euros, trois fois moins que ce qu’elle valait avant, s’immiscent dans le conseil d’administration, et commencent à dicter la stratégie à l’entreprise. (...)

L’histoire de Vivarte, c’est l’histoire d’une entreprise entre les mains de ce que la finance peut faire de pire quand tout va mal. Tous les LBO et tous les rachats de dette décotée ne se passent pas aussi mal, et Vivarte a aussi ses propres problèmes de positionnement et de stratégie. N’empêche, dans son cas, le rachat par LBO puis l’intervention de ces financiers adeptes des entreprises proches de la faillite peut lui être fatal. 22 000 salariés sont concernés, 17 000 en France, et le silence des politiques est total.

Pourtant tous ont vilipendé ce capitalisme financier outrancier. Souvenez vous des discours de Nicolas Sarkozy, lors de la crise de 2008 sur le bon capitalisme entrepreneurial, et le mauvais capitalisme financier. Souvenez-vous du "Mon ennemi c’est la finance" de François Hollande.
(...)