
L’agence régionale de la Fondation Abbé Pierre en Auvergne Rhône-Alpes a initié en 2017, avec l’appui d’Atlantide Merlat, une démarche visant à ouvrir la possibilité aux personnes mal-logées de prendre la parole et d’aborder leurs parcours de vie, leur expérience à la rue, en se décalant du seul témoignage des conditions de vie, fonction dans laquelle nous avons souvent enfermées les personnes en situation d’exclusion.
Une première démarche a vu le jour en 2019 avec la publication d’un cahier d’expériences et de recommandations.
La difficulté d’accéder à une information utile, voire vitale quand on est à la rue s’est imposée à l’issue de ce premier travail commun, comme un sujet prioritaire pour les membres du groupe (Où dormir ? Où manger ? Où se laver ? Où se reposer et poser son sac ? Où faire ses démarches, quels tuyaux alternatifs partager ? etc.). (...)
Durant l’année 2020, un groupe de 7 street-reporters, composé d’hommes et de femmes qui ont connu la rue, est ainsi allé à la rencontre de plusieurs structures de l’urgence sociale de l’agglomération lyonnaise (accueils de jours, services d’aide alimentaire et d’hygiène, service d’orientation pour un hébergement/logement, bains-douches, service de bagagerie etc.). Formé à la méthode de l’enquête sociologique, avec l’appui de Gabriel Uribelarrea et Louis Bourgois (Odenore / chaire Publics des politiques sociales), le groupe a rencontré les équipes professionnelles et/ou bénévoles de ces lieux pour échanger, à partir de leur expérience et recueillir des informations sur le fonctionnement de ces structures.
Les interviews récoltées sont retransmises aujourd’hui sous forme de podcasts. Elles ne formulent pas une critique des réponses construites à l’attention des personnes sans domicile, mais au contraire ouvrent la voie à une rencontre et un échange avec des professionnels, des bénévoles autour du fonctionnement des services pour ceux qui n’ont d’autres choix que les solliciter, empreinte de clairvoyance et d’humanité. (...)
La première mission que m’a confiée la Fondation Abbé Pierre mettait en lumière le savoir expérientiel des personnes sans-abri. En animant des groupes participatifs, je suis allée à la rencontre de cette source de connaissance, aussi évidente qu’incontournable, pour améliorer les solutions proposées aux plus vulnérables. Professionnelle de terrain, j’étais au contact des personnes en situation d’exclusion, en première ligne. Pourtant, le regard des bénéficiaires sur les structures que je connaissais bien m’a souvent donné l’impression de déambuler dans les couloirs secrets de mon propre quotidien. A l’image d’un soignant et d’un patient qui partagent le même service, mais pas le même récit, il restait des étapes à franchir pour gommer les frontières qui font obstacle à la relation. Il nous restait beaucoup à apprendre les uns des autres, accueillis et accueillants. (...)