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À Bar-le-Duc, une parodie de justice contre les opposants à Cigéo
Article mis en ligne le 6 février 2019

Mardi 5 février, à Bar-le-Duc, s’est tenu un nouveau procès « spécial Bure ». Lors de ces audiences sous très haute surveillance policière, des opposants à la poubelle nucléaire sont jugés les uns après les autres, dans une ambiance tendue. Une caricature de justice. Récit

« Je ne tolérerai aucune manifestation d’humeur dans le public. Sinon, je prendrai l’initiative de faire évacuer la salle. » Du haut de son estrade, la présidente du tribunal plante le décor austère de cette journée d’audience « dédiée » aux opposants à la poubelle nucléaire de Bure, appelée Cigéo. Avant même que le premier procès ne s’ouvre, le ton est donné (...)

Déjà la veille, lundi 4 février, la magistrate avait promptement fait évacuer la salle, car le public ne s’était pas levé à l’entrée des juges. (...)

il semblerait qu’il soit désormais de coutume de juger les opposants à Cigéo en groupe, même si les infractions pour lesquelles ils sont poursuivis ne sont pas les mêmes et se sont produites à plusieurs mois d’intervalle. D’après le procureur, il s’agit de ne pas « engorger le tribunal » avec ces dossiers « très longs à traiter », qui « affaiblissent la productivité » de l’institution judiciaire meusienne.

Mais ces journées spéciales donnent aussi lieu à des déploiements militaires extraordinaires. (...)

Un dispositif policier important, pour une petite trentaine de personnes venues en soutien. Sur le banc des prévenus, assistés d’au moins six avocats, ils sont sept à comparaître. De 20 à 40 ans, ils sont militants de longue date ou nouveaux venus dans la lutte antinucléaire. Surpris par cette profusion d’uniformes, un des avocats de la défense, venu pour la première fois à Bar-le-Duc, se désolera de cette « surreprésentation policière » à même de « nuire à la sérénité des débats ». (...)

comme nous allons vous le raconter, les « procès Bure » ont tout d’une pièce de théâtre, à mi-chemin entre la farce et la tragédie. Une pièce en quatre actes et sept heures, qu’on pourrait nommer « chroniques du mépris ordinaire ».

ACTE 1 : « La bataille des images » (...)

Lors de l’audience, le procureur, Olivier Glady, fustige une « bataille des images » : « Quand c’est filmé, ils crient à la manipulation, quand ce n’est pas filmé, ils nous disent qu’il n’y a pas de preuve. » (...)

Au moment de sa plaidoirie, Maître Matteo Bonaglia, l’un des avocats des prévenus, rappelle le « contexte politique » entourant ces audiences. « Les personnes qui se trouvent devant vous n’ont pas des motifs crapuleux, mais des convictions : elles s’opposent au projet d’enfouissement des déchets nucléaires », insiste-t-il. Or, « sur la seule base de leur idéologie politique, on constate une multiplication des contrôles d’identité, des fouilles, des filatures, des saisies, des perquisitions, le tout sur fond de fichage généralisé ». Un contexte particulier de « judiciarisation et de militarisation » d’un territoire, qui explique d’après l’avocat pourquoi « certaines personnes, confrontées à cette présence policière, peuvent adopter des attitudes qui expriment leur mécontentement, parfois de manière véhémente, sans pour autant qu’il n’y ait de violence ». Car pour lui, l’infraction est à chercher du côté des vigiles de l’Andra, qui ont « pris des images de vie privée sans l’accord et le consentement des personnes intéressées ». Il demande la relaxe. (...)

ACTE 2 : « Un exemple typique de harcèlement quotidien » (...)

ACTE 3 : « Si vous travailliez plus, vous ne seriez pas devant le tribunal » (...)

ACTE 4 : « Il faut retrouver le sens commun » (...)

Il est 14 h 30, la présidente ordonne l’évacuation de la salle. Les gendarmes empoignent les opposants, traînant certains sur le parquet du palais de justice. En quelques minutes et forces de cris, la salle est vidée. Pour la dernière audience, ne restent que les journalistes, ainsi qu’un avocat belge, mandaté par la Fédération internationale des droits de l’homme comme « observateur international ». Il a été chargé d’assister au « procès Bure » et de rédiger un rapport sur les éventuels manquements de la procédure pénale. Les jugements sont mis en délibéré jusqu’au 26 février prochain. (...)

Dehors, les opposants, désabusés, se groupent devant les portes du tribunal, gardées par une vingtaine de gendarmes. L’un des avocats les rejoint, et lâche : « Je comprends votre colère, le procureur n’a eu que du mépris pour vous. Ce qui se passe dans ce tribunal n’est ni normal ni habituel »