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Libération
A Bordeaux, les dessous indignes du centre de rétention
Article mis en ligne le 25 août 2021

Droits bafoués, soins qui laissent à désirer, mutilations et suicides… Médecins, avocats, magistrats et retenus dénoncent les conditions d’enfermement inadmissibles dans le lieu de privation de liberté situé dans les sous-sols de l’hôtel de police de la ville.

Il faut emprunter une porte blindée, de longs couloirs et des escaliers exigus pour se rendre vers le plus petit centre de rétention administrative de France, où l’été y est trop chaud et l’hiver glacial.

« Je ne suis pas un criminel. » Marius (1) vient de Roumanie et habite depuis deux ans dans une maison près de Poitiers avec sa femme et ses quatre enfants. Il travaille dans la mécanique. Il n’a jamais fait de prison. Pourtant, cela fait sept jours qu’il dort enfermé dans les sous-sols de l’hôtel de police de Bordeaux, avec treize autres retenus. En situation irrégulière, il risque l’expulsion.

Au rez-de-chaussée, la vie du commissariat bordelais suit son cours. Il faut emprunter une porte blindée, d’interminables couloirs et des escaliers exigus pour se rendre dans les profondeurs du bâtiment, vers le plus petit centre de rétention administrative (CRA) de France. C’est dans ce lieu de privation de liberté, sorte de zone grise avant une décision de justice, que Libération est entré en mai, au début de son enquête. Des migrants y sont retenus, jusqu’à quatre-vingt-dix jours, car ils n’ont pas de papiers. (...)

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 « À l’intérieur, c’est inhumain ». À Bordeaux, ils dénoncent les centres de rétention administrative
(...) « À l’intérieur, c’est inhumain » s’indigne Yénéa. « On a eu des ‘‘détenus’’ (des personnes retenues, ndlr) au téléphone, certains ne comprennent même pas pourquoi ils sont là ». Dans les CRA, il y a généralement des personnes faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français. « C’est caché ! On ne sait pas ce qu’il se passe là-dessous », dénonce Sacha en désignant l’hôtel de police, dont le sous-sol abrite un CRA. Lui et les autres manifestants ont réclamé la fermeture des CRA et la régularisation des migrants sans-papiers.

 Avril 2021
Bordeaux : des associations dénoncent « l’enfermement illégal » d’étrangers au Centre de rétention administrative
(...) En pleine crise sanitaire, des étrangers sont enfermés au CRA de Bordeaux en attendant d’être expulsés et alors que les frontières hors zone Euro sont fermées. « On ne peut enfermer que s’il existe des perspectives d’expulsion », dénonce la Cimade. (...) « Ici c’est horrible (…).Il a cousu ses deux lèvres, puis il a pris un bout de verre et s’est ouvert le ventre » (...)

 janvier 2010
Centre de rétention de Bordeaux : Laissez-le brûlé

Un an après l’incendie du centre de rétention administrative de Bordeaux, où sont d’ordinaire enfermés des migrants sans papiers, plusieurs organisations mobilisent contre sa reconstruction.

Il y a bientôt un an, le 19 janvier 2009, un incendie éclatait dans le centre de rétention administrative (CRA) situé dans les sous-sols du commissariat de Bordeaux-Mériadeck. Plusieurs personnes ont été accusées d’avoir provoqué le sinistre, et ont pour cela été maintenues en détention préventive depuis presque une année à la maison d’arrêt de Gradignan. (...)

Des relents de Vichy

À l’approche de la date anniversaire de l’incendie du CRA et alors qu’il est question de lancer les travaux de sa reconstruction, le milieu militant de la ville a décidé de se réunir pour manifester son désaccord face à la politique raciste de l’État français, nous rappelant un Vichy pas si lointain, et la pratique cynique des quotas d’expulsions, visant 25 000 reconduites à la frontière pour l’année 2009. Tous les discours ultrasécuritaires qui accompagnent la chasse aux travailleuses et aux travailleurs migrants cachent la vrai politique colonialiste des pays occidentaux, qui pillent les ressources des pays d’origine, et y maintiennent des États corrompus et dictatoriaux, poussant à un exil certain, forçant les migrantes et les migrants à rentrer dans la clandestinité une fois parvenus en France. L’État méprise également les valeurs de solidarité lorsqu’il pousse à la délation et poursuit les personnes qui aident des sans-papiers.

Le collectif anti-CRA de Bordeaux, nouvellement créé, regroupe la CNT-STE 33, la CNT Santé-Social, le Groupe anarchiste bordelais, Sud-Éducation – déjà présents dans le Collectif pour la régularisation de tous les sans papiers (CRSP) –, Alternative libertaire 33 et des individu-e-s solidaires. Le collectif, qui se réunit depuis tous les mardis à l’Athénée libertaire, rue du Muguet, propose plusieurs actions et manifestations sur des revendications communes aux différentes luttes de sans-papiers (ouverture de frontières, pour la liberté de circulation et d’installation, parce que chacune et chacun a le droit de choisir où vivre quelle que soit sa nationalité, avec ou sans papiers).

Cette campagne, qui a commencé par une manifestation le 11 décembre, devrait culminer avec une manifestation bruyante et nocturne le 19 janvier, un an pile après l’incendie du CRA.

 novembre 2007
Visite des coulisses du centre de rétention de Bordeaux

Lundi 19 novembre, 11 heures du matin. Ils sont une dizaine, avocats, magistrats et élus à attendre le feu vert du directeur de la sécurité publique en Gironde, Albert Doutre, pour visiter le centre de rétention de Bordeaux, situé au sous-sol de l’hôtel de police. Et là, première surprise, seuls les avocats (entre autres Me Boulanger, Me Landete... et des membres de l’Institut de défense des étrangers) et la députée PS, Michèle Delaunay, peuvent accéder au centre. La présidente nationale du Syndicat de la magistrature, Emmanuelle Perreux, n’est pas autorisée à entrer. Une décision qui l’offusque. « Je ne comprends pas. A Paris, nous pouvons visiter le centre de rétention, sans problèmes. A Bordeaux, on nous refuse l’entrée. Peut-être, y a-t-il des choses à cacher... » déclare t-elle. Après une inspection de 45 minutes, Me Boulanger, avocat bordelais, revient quelque peu désabusé : « l’état des douches est lamentable. Sans parler du sol. Nous en sommes à notre troisième visite au centre de rétention, et nous constatons une dégradation des conditions de détention. » De son côté, Michèle Delaunay, qui visite le centre de rétention pour la première fois, est interpellée, par l’atmosphère austère, « semblable au milieu carcéral ». En effet, il y a autant de surpopulation et de promiscuité. « Le centre est souvent plein » confirme Me Trebesses, avocat de permanence au centre de rétention. « Le centre compte 24 places, les sans papiers sont quatre par cellules. Des cellules, sans judas, qui ne font que cinq mètres sur trois. En plus de cela, ils n’ont, à leur disposition, que deux douches et un double lavabo et presque pas d’accès aux soins la nuit. » rapporte Michèle Delaunay.

Une cellule d’isolement contraire aux normes européennes ?

Mais, au-delà de ces problèmes d’hygiène, il y a plus grave, souligne Me Landete. « Il se construit actuellement une cellule d’isolement dans le centre de rétention de Bordeaux, qui, semble t-il n’est pas aux normes européennes (des aérations ou des fenêtres seraient obligatoires). Nous allons le vérifier et faire tout recours utile si cela est avéré ». Interrogé sur le sujet, Jack Allais, secrétaire Aquitaine du syndicat Synergie-Officier, nous explique que « les policiers ne sont pas responsables des équipements. Mais, il est certain qu’il y a aujourd’hui un problème de moyens et d’effectifs, car nous sommes employés à 150% ! ». Affaire à suivre. D’autant plus, que le centre de rétention de Bordeaux avait déjà été condamné, cet été, par le juge des libertés à la libération de dix-huit étrangers en situation irrégulière, car ils étaient privés au centre des moyens de communication prévus par la loi.