
Dans les montagnes de l’île de Shikoku, Kamikatsu s’est érigé comme le modèle du « zéro déchet » du Japon. Le village a misé sur un recyclage efficace mais peine à réduire la quantité de déchets toujours massive en raison du suremballage.
(...) plus de 1 500 visiteurs s’y pressaient chaque année avant la pandémie de Covid-19 pour découvrir ce lieu pionnier dans le recyclage des déchets. En 2003 — une première au Japon — Kamikatsu avait adopté une déclaration « Zero waste » et s’était donné l’objectif d’atteindre le zéro déchet d’ici 2020.
Dix-sept ans plus tard, le village est fier de ses 80 % de déchets recyclés. Car la commune n’a pas toujours été aussi verte. Jusqu’en 1997, les ordures étaient brûlées à l’air libre. « On a rapidement compris que ce que l’on faisait était mal », dit Yasushi Hanamoto. Avant de devenir l’actuel maire de Kamikatsu, l’homme travaillait comme fonctionnaire de la mairie. « Brûler les déchets en amont de la rivière qui traverse le village polluait son eau. » Trois ans plus tard, alors que la commune s’était équipée de deux incinérateurs flambant neufs, le gouvernement avait pris la décision d’interdire leur utilisation à la suite de problèmes de santé liés aux dioxines rejetées dans l’air. Alors que les produits emballés s’étaient généralisés dans tout le pays, à Kamikatsu comme ailleurs, le volume de déchets plastique augmentait. Le village se mit donc à les collecter, dès l’aube des années 2000. (...)
« Nous avons créé la Zero Waste Academy en 2003, une organisation non gouvernementale qui s’occupe de mettre en place le réseau zéro déchet à Kamikatsu », souligne Midori Suga, employée de la section urbanisme et environnement à la Ville. Au cœur de ce processus, la station de tri et de recyclage du village. (...)
Quarante-cinq catégories de déchets à trier !
Avec quarante-cinq catégories différentes de déchets (six catégories de plastiques, cinq de métaux et neuf de papier), l’aide des employés municipaux de la station n’est pas de trop. Les résidents doivent distinguer et nettoyer eux-mêmes chaque déchet pour permettre la séparation des matériaux et mieux recycler les ordures. (...)
Pour motiver les habitants, Kamikatsu a mis en place un système de carte nommée « Chiri-tsumo », qui permet de collecter des points et de les échanger contre toute sorte de produits « verts » à choisir dans un catalogue (...)
En l’espace de presque deux décennies, Kamikatsu a réussi à multiplier par cinq ses catégories de tri et recycler plus de 80 % de ses déchets (contre 19,6 % pour la moyenne nationale). Mais sans pour autant réduire son émission totale d’ordures... (...)
Dans chaque foyer, un composteur — électrique ! — a été financé en partie par la Ville pour se débarrasser des déchets alimentaires. La proportion d’habitants qui s’en sert au quotidien est difficile à évaluer. (...)
les emballages représentent plus de la moitié des déchets des ménages nippons en volumes. (...)
la mentalité de ses clients — à moitié des habitants de Kamikatsu — peine encore à renoncer au suremballage. « Je pense que nous avons réussi à recycler, oui, mais pas encore à consommer moins » (...)
« Nous étions tellement concentrés sur l’élimination des déchets incinérés et enfouis d’ici 2020 que nous n’avons pas pu développer le côté éducation et le partage des connaissances sur le zéro déchet aux résidents et acteurs locaux », explique l’employée de la section urbanisme et de environnement à la ville, Midori Suga. (...)
Pour Terumi Azuma, propriétaire du café Polestar — l’un des rares commerces du village — le zéro déchet doit d’abord être considéré comme un véritable mode de vie. « Je pense que l’objectif zéro déchet de Kamikatsu ne concerne pas seulement les déchets, mais aussi la façon dont chacun utilise son temps et son argent, dit-elle. Elle intervient comme conseillère auprès de l’équipe municipale. Nous devons concentrer nos efforts sur notre manière de vivre au quotidien pour rendre l’objectif du zéro déchet possible. »
« Il nous faut l’aide de l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement » (...)
Obstacles numéro un au recyclage : les chaussures, objets en vinyle ou en caoutchouc, dont les matières ne peuvent pas être séparées par les habitants eux-mêmes. « Nous arrivons au bout de nos limites, reconnaît le maire, Yasushi Hanamoto. En vérité, nous avons compris que nous ne pouvons pas réaliser l’objectif du zéro déchet seulement par l’action des villageois. Il nous faut l’aide de l’ensemble des producteurs et acteurs de la chaîne d’approvisionnement. » (...)
Quant aux autres municipalités japonaises, une majorité d’entre elles ne semblent pas vouloir se détourner de l’incinération, ayant lourdement investi dans des dispositifs dernier cri. (...)