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Libération
A Paris, le renfort de policiers marocains pour pister des mineurs isolés contesté
Article mis en ligne le 23 juillet 2018

Selon « l’Obs », l’aide de la police marocaine a été sollicitée en juin par les autorités françaises pour intervenir auprès des jeunes marocains isolés d’un quartier du XVIIIe arrondissement, afin d’éventuellement les expulser. Un dispositif de coopération policière contraire au droit international selon les spécialistes du droit des étrangers.

Ils sont selon les associations d’aide aux migrants une cinquantaine, voire une soixantaine, à errer chaque soir, seuls et sous l’emprise de produits stupéfiants, dans le quartier de la Goutte d’or. À Paris, au cœur du XVIIIe arrondissement, des mineurs isolés marocains, pour la plupart des gamins, dont les plus jeunes ont à peine 10 ans, mettent à l’épreuve depuis un an et demi les autorités de police, la mairie mais aussi les services de protection de l’enfance.

Leur situation a été très longuement racontée par le Monde en mai : pour la grande majorité originaires du Maroc, ces jeunes garçons « en rupture totale » cherchent à rejoindre l’Espagne ou les pays scandinaves pour y trouver refuge. De passage dans la capitale - « entre une semaine et trois mois » selon le quotidien du soir -, ils refusent toute prise en charge et, parfois violents, commettent des délits (vols de bijoux et de téléphone à l’arraché) qui ont conduit à 813 gardes à vue en 2017. Une situation qui plonge les habitants de la Goutte d’or dans le plus grand désarroi et face à laquelle la préfecture de police et la mairie de Paris semblent dépassées.(...)

Pour régler la question de ces mineurs isolés, les autorités françaises ont, semble-t-il, trouvé une solution : solliciter l’aide des autorités marocaines. (...)

« Les autorités françaises et marocaines unissent actuellement leurs efforts pour traiter la situation des mineurs non-accompagnés présumés marocains présents sur Paris et plus particulièrement dans le XVIIIe arrondissement », confirme par e-mail à Libération place Beauvau. Mais à quelles fins ?

En quoi consiste cet « arrangement administratif » ?
C’est là que ça se corse. Selon les associations d’aide aux migrants et réfugiés, cet « arrangement administratif » permettrait en toute « opacité » et, sous couvert d’identification de ces mineurs, leur expulsion vers le Maroc.(...)

« On n’en sait pas beaucoup plus sur les contours de cette coopération policière, si elle est mise en œuvre et depuis quand, déplore Jean-François Martini, du Gisti. Mais on sent bien que cet accord de coopération au nom de lutte contre l’immigration illégale se donne des objectifs bien plus larges que celui de régler la situation des mineurs isolés marocains. » (...)

Problème : selon les défenseurs des migrants, mais aussi des spécialistes du droit des étrangers, ce dispositif de coopération policière ne met pas du tout en avant la protection de l’enfance. Au risque d’être contraire à de nombreuses dispositions du droit international comme l’article 3 de la Convention de New York relative aux droits de l’enfant, ratifiée par la France, qui appelle à accorder une considération primordiale au respect de « l’intérêt supérieur de l’enfant », ou du droit français comme celles du Code de l’action sociale et des familles. De plus, en organisant l’éloignement de ces jeunes vers leur pays d’origine, il serait contraire aux dispositions du Code de l’entrée du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) qui empêchent l’éloignement (soit les reconduites à la frontière) des mineurs isolés étrangers. (...)

les entretiens menés par ces policiers marocains aux côtés des policiers français vont se faire sous les radars de la justice, sans avocats, et pas au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant. » (...)

« Ces mineurs sont dans un état de souffrance psychologique et physiologique, ils doivent donc être considérés comme des mineurs en danger et relèvent donc prioritairement de l’assistance éducative et/ou de la tutelle départementale. »(...)

De fait, ces dernières années, ce type d’« accords non contraignants » comme l’ « arrangement administratif » de « renforcement de la coopération franco-albanaise en matière de lutte contre l’immigration irrégulière et la lutte contre la criminalité » signé en 2017 par Gérard Collomb entre la France et l’Albanie sont devenus courants. L’objectif inavoué selon la juriste Marie-Laure Basilien-Gainche, professeur de droit public à Lyon III : faciliter les expulsions tout en contournant les obligations internationales qui imposent la protection des droits fondamentaux des migrants et plus encore des mineurs migrants.