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A Saint Denis, l’AMAP est anarchiste et ça marche très bien
Article mis en ligne le 18 février 2015
dernière modification le 13 février 2015

Pas de déclaration en préfecture, pas de compte à rendre à la mairie, pas de président. L’amap de Saint-Denis est anarchiste. Malgré (ou grâce à ?) cette absence de responsables, elle a grandi jusqu’à devenir l’une des plus grosses de France et proposer des dizaines d’activités en plus des légumes.

A Court-circuit, pas de chefs, de président, de trésorier ou de secrétaire. Les initiateurs du projet ont fait le choix de ne pas constituer de bureau afin d’éviter toute hiérarchie.

« Généralement, les gens créent des Amap pour les légumes, lance Jean-Claude, un des initiateurs. Nous, on l’a fait pour créer une dynamique, du lien et expérimenter l’autogestion... Et au final on a des légumes ! Ce qui nous intéresse c’est comment les gens vont s’organiser sans espace de pouvoir », explique cet infatigable militant libertaire d’une soixantaine d’années camouflé dans un accoutrement de dandy. (...)

« Tout le monde se prend en main, dit Sylvie, arrivée il y a six mois, tout en déplaçant des caisses de légumes. Dans l’Amap où j’étais avant, quelques personnes géraient pour les autres et nous on était juste des consommateurs classiques ».

Ici, pas question ! Lors de chacune des trois distributions hebdomadaires, cinq personnes s’engagent à être présentes pour décharger les légumes et préparer les paniers. Là non plus, pas de responsable des distributions. Chacun s’inscrit sur un cahier d’écolier posé sur une table et une personne se charge de récupérer la clé du local. (...)

« Les gens savent que s’ils ne s’impliquent pas, il n’y aura pas de bureau pour le faire à leur place », me dit une working woman aux traits tirés qui en deux ans s’est rodée à ce type de fonctionnement. « Si plus personne ne prend en charge les contrats et et les distributions, eh bien ça s’arrêtera et c’est pas grave. C’est plus intelligent que les Amap qui perdurent jusqu’à ce que les quatre ou cinq personnes qui tiennent le truc à bout de bras pètent les plombs », pense Emmanuel. (...)

Anarchie ne veut pas dire chaos

Pour les contrats passés avec les producteurs par exemple, il faut un référent qui tourne tous les six mois. Quand il manque des volontaires, Jean-Claude envoie un mail pour prévenir que si personne ne s’en charge, il n’y aura plus de légumes, de pain ou de poulets. « Et là, en à peine une semaine, neuf personnes répondent », s’amuse-t-il. (...)

« Pas un centime n’a été volé en cinq ans. Pourtant, les gens pensent systématiquement qu’il y aura des vols. On leur demande : Tu volerais toi ? Ils répondent non. Et bien les autres c’est pareil ! » (...)

Parmi les membres, beaucoup de profs et de professions libérales. « Les gens de la cité ne viennent pas », résume Elizabeth, une ancienne militante communiste au léger accent anglais. Ou plutôt ne viennent plus. « Il y avait trois ou quatre personnes de la cité mais elles sont parties parce qu’il n’y avait pas la liberté de choisir les produits », regrette Jean-Claude.

Toutes les personnes interrogées déplorent cet état de fait mais se sentent impuissants. Pour beaucoup, le blocage n’est pas tant économique que culturel. Les paniers sont à 10 € et le prix n’a pas bougé en quatre ans. « L’idée c’était de compter sur la confiance et le bouche à oreille au sein des classes populaires. Mais ça a foiré », constate Jean-Claude. (...)