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A Saint-Denis, un troupeau de moutons en pleine ville
Article mis en ligne le 30 août 2013
dernière modification le 27 août 2013

Depuis un an, l’association Clinamen promène une petite vingtaine de moutons sur tout le territoire francilien à dessein de promouvoir l’agriculture urbaine. Reportage à Saint-Denis, qui accueille les ruminants à deux pas de la cité des Francs-Moisins.

(...) Les animaux sont « HD » – « haute domestication ». Pas farouches, ils viennent solliciter les caresses d’un coup de corne et vous laissent plonger la main dans l’épaisseur grasse de leur toison. Leurs bergers les ont aussi habitués à s’arrêter au passage piéton et à se garder de traverser la route sans s’être assurés de leur sécurité. Car les moutons vont à pattes d’un pâturage à l’autre, levant sur leur passage une volée de questions, dont la première est bête comme chou : mais que font-ils donc là ?

« Notre désir, c’est que nous devenions tous à 3% agriculteurs » (...)

« On ne fait pas de la culture, mais de l’agriculture, insiste Simone. En France, il y a 3% d’agriculteurs. Notre désir, c’est que nous devenions tous à 3% agriculteurs. » Pour ce faire, l’association veut d’abord créer un réseau de bergeries. Au bâtiment construit à Saint-Denis par le collectif architectural Jolly Rodgers sous la houlette de Julie, chef de chantier, s’est ajouté une deuxième bergerie (éphémère) au 6b, puis une troisième sur le campus de Villetaneuse, érigée par Albert Hassan (association PEPA) et Sébastien Dumas (association Malicia).

Un nouvel édifice est en cours de construction sur un terrain prêté par la ville de Saint-Denis et situé à proximité immédiate du canal et des Francs-Moisins. Cette parcelle de 400 m2 accueillera en outre une serre avec des comestibles et un poulailler. L’association projette enfin de développer une plateforme de récupération des déchets ménagers et planche sur un atlas paysan où seront cartographiés tous les espaces propices à l’agriculture urbaine de Plaine commune. Autant de projets dont la vocation est de « dynamiser les territoires urbains par la promotion de pratiques paysannes ». (...)

Note champêtre incongrue au milieu des immeubles, les ruminants sont aussi de fabuleux liants entre les citadins. Les histoires de moutons sont universelles : tel habitant a un cheptel en Algérie, tel autre fut berger en Albanie ou ailleurs. Alors chacun pousse son anecdote, y va de son petit conseil aux membres de l’association : « En ville, les gens partagent leur savoir plus volontiers qu’à la campagne, constate Simone. On a pu agréger les connaissances de plein de cultures différentes. »

Quand Clinamen a installé sa bergerie aux Francs-Moisins, les habitants ont été d’emblée aimantés par le charme des animaux (...)

En travaillant à démontrer que l’agriculture urbaine n’est pas toujours un oxymore, l’association contribue en effet à remodeler en profondeur les représentations. A commencer par celles que tout citadin se fait de son alimentation carnée. Dans un contexte où l’élevage industriel tient secrètes les conditions d’élevage et d’abattage du bétail, Clinamen revendique un lien affectif très fort avec les animaux – d’où la responsabilité qui incombe à ses membres quand d’aventure ils viennent à abattre une de leurs bêtes.

De la même manière, les moutons amènent à reconsidérer du tout au tout le territoire francilien. Mus par un besoin d’espace et de verdure que les citadins ont souvent renoncé à satisfaire, ces herbivores invitent à voir la ville au-delà de sa minéralité, tantôt comme un gisement de ressources et d’opportunités, tantôt comme un parcours d’obstacles à négocier. (...)