
Deux ans après la révolution, la Tunisie accueille le Forum social mondial. Du 26 au 30 mars, plus de 30 000 personnes et 4 500 associations, syndicats et organisations non gouvernementales sont attendus à l’université El Manar. Droits sociaux, lutte contre le réchauffement climatique, émergence des « médias libres »... Autant de thèmes altermondialistes incontournables. Auxquels s’ajoute le soutien aux soulèvements populaires et aux processus de démocratisation en Maghreb-Machrek.
(...) « Un tel événement est une première depuis l’indépendance (de 1956, ndlr). L’ensemble du conseil de l’université élu démocratiquement a donné son accord pour sa tenue sur le site, se félicite le président de l’Université. On essaie d’instaurer une bonne gouvernance dont nous n’étions pas capables avant la révolution. » Les crédits débloqués pour l’occasion par le ministère de l’Enseignement supérieur, en vue d’améliorer le campus, profiteront également à l’ensemble des étudiants. « Sur le fond, les centaines d’ateliers prévus vont permettre aux jeunes d’échanger et de débattre. C’est la vocation même de l’université. » (...)
« Depuis 2008, les mouvements sociaux font tout : ils manifestent, sont réprimés, mais rien ne change malgré leurs sacrifices. La pauvreté, la marginalisation, le chômage continuent. C’est un printemps arabe qui n’a pas fleuri. »
« C’est une révolution trahie, poursuit Abderrhamane Hedhili du Comité d’organisation du FSM. Une révolution, ça donne de l’espoir normalement à la jeunesse. Et pourtant, environ 40 000 jeunes ont quitté le pays, ceux-là mêmes qui étaient à l’avant-garde car ils ne voyaient pas de solutions à court terme pour leur avenir ici, en Tunisie. » Selon le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, la plus grosse vague d’émigration a eu lieu entre février et mars 2011, dans les semaines suivant le départ de Ben Ali. Le pays affiche un taux de chômage officiel de près de 18 %... 40% chez les femmes diplômées. « Ce n’est pas les religions qui étaient au cœur du débat, mais les questions de chômage, de santé, d’éducation, explique Abderrhamane. La révolution tunisienne était d’ordre social à 100 %. L’objectif du forum est de faire réapparaitre ces questions. » (...)
les syndicats, qui ont annoncé une grève dans les aéroports de Tunisie au moment de l’ouverture du forum, ont reporté ce mouvement par « geste de solidarité ». Ce forum sera-t-il aussi en mesure de gagner les quartiers populaires ? (...)
Poussé par le souffle révolutionnaire, le processus d’organisation même du FSM rassemble des cultures militantes extrêmement diverses. Avec son lot de frustrations pour les nouvelles générations, mais aussi de réussites. (...)
Certes, les mouvements des Indignés, Occupy, les printemps arabes, n’étaient pas dans le processus des forums mais ce dernier les a nourris, et l’on trouve énormément de connexions. » « La question n’est pas de savoir si les Forums sociaux mondiaux s’essoufflent ou pas, assure Hamouda. Le FSM fait partie d’une dynamique. Qu’il meure ou qu’il vive, nous continuerons à construire sur la diversité et l’horizontalité. » Les lumières qui brillent à l’université El Manar repousseront-elles les obscurantismes ?