
Voici des mois qu’un collectif d’habitants de Velleron (Vaucluse) organise régulièrement des manifestations pour marquer leur ferme opposition à un vaste projet immobilier. Alors qu’ils croyaient en avoir fini à force de courriers, de prises de parole et d’occupation des lieux, voici que des ouvriers sont sur place. Décryptage autour de ce bras de fer interminable.
« Je ne fais pas ça pour moi mais cette lutte est noble ». Ces mots sont ceux de Fabien Marsaud alias Grand Corps Malade venu soutenir le Collectif de défense de la Grande Bastide devant la mairie de Velleron (Vaucluse). C’était le 26 octobre dernier, au pied du château de Crillon qui abrite aujourd’hui la mairie et autour duquel le village fortifié s’est développé. Selon le slameur dyonisien, qui possède un nid secondaire depuis trois ans dans cette jolie cité provençale, le projet de lotissement sur le terrain de la Grande Bastide paraît « démesuré » pour une commune de seulement 3000 habitants. Et il est bien loin d’être le seul à le penser, au point que Renaud et Dave, d’autres personnalités du coin, ont rejoint le mouvement. C’est dire l’ampleur que prend l’affaire, ici en plein cœur du parc naturel régional du Mont Ventoux où Velleron est renommé pour la qualité des produits de son marché agricole quotidien.
Dans le viseur ? Un vaste lotissement de 200 logements étalés sur 7 hectares autour de la Grande Bastide, une ancienne ferme nichée sur les hauteurs du village, et ce à l’endroit même d’un site classé en zone naturelle avant la révision du plan local d’urbanisme par la précédente municipalité dirigée par Michel Ponce (LR). Ce vaste terrain a en effet été vendu en 2018 par son propriétaire à un promoteur d’envergure basé à Montpellier. Un terrain connu de tous les Velleronnais pour sa biodiversité et ses chemins propices aux promenades.
De nombreuses incohérences dans l’étude d’impact
Outre les inquiétudes de l’association France Nature Environnement dès mai 2020 quant aux conséquences du projet, de nombreuses incohérences ont déjà été constatées dans l’étude d’impact réalisée par le cabinet Auddice. A commencer par la Direction régionale de l’environnement qui a confirmé en octobre la présence sur le site d’espèces protégées, à savoir des lézards ocellés ou encore l’oiseau rollier d’Europe. Une bonne nouvelle pour les opposants qui s’appuient notamment sur la loi "Climat et Résilience" d’août 2021 où figure la lutte contre la bétonisation des sols. Reste que les autorités se renvoient la balle et le maire de la commune commence sérieusement à perdre patience. (...)
Dans un courrier adressé au préfet suivi d’un second à la ministre de la transition écologique, Philippe Armengol dénonce « l’artificialisation d’un site qui aurait dû rester naturel et ne pas être jeté en pâture à des aménageurs qui ont pour seul objectif que de rentabiliser au maximum leur investissement par la vente de lots compris entre 250 et 500m². La municipalité est très attachée à la sauvegarde de ce site. Velleron est une petite commune avec un budget très contraint. L’ampleur de ce projet va bouleverser le développement équilibré et déjà fragile de la commune. »
Un rendez-vous capital en préfecture ce 25 janvier
Malgré cet argumentaire et les nombreuses manifestations de l’automne qui ont réuni habitants, élus des communes voisines et trois parlementaires de toutes tendances politiques, les aménageurs de la société Allians ont pourtant commencé fin octobre des travaux de terrassement en réalisant des bassins de rétention et une voie d’accès au site qui nécessitent d’ores et déjà d’importants déplacements de terre et le déracinement de nombreux arbres. La faune et la flore sont clairement menacées. Le 3 novembre, Bertrand Gaume, préfet de Vaucluse, leur a pourtant adressé un courrier en leur intimant de se mettre en règle par rapport aux prescriptions du code de l’environnement. Malgré un second courrier, ces derniers ont repris les travaux le 15 décembre. Le propriétaire, de son côté, refuse toujours de s’exprimer. (...)
Déterminés à ne pas voir leur village se défigurer, les "colibris noirs" comptent bien stopper les travaux. Alors que certains d’entre eux se relaient chaque matin pour surveiller les véhicules entrants et sortants de La Grande Bastide, des ouvriers et un géomètre ont pénétré sur la propriété lundi 18 janvier, réalisant le piquetage pour le tracé des voiries. Le lendemain matin, une tractopelle commençait ses manœuvres sur l’une des futures dessertes du lotissement. Pour le maire Philippe Armengol, qui ne veut pas « être le maire d’une commune en faillite », c’en est trop. Tout comme les habitants, auteurs d’une nouvelle mobilisation samedi 22 janvier au matin au niveau du rond-point de la Grangette. Le maire, soutenu dans sa démarche par Jacqueline Bouyac, la présidente du PNR du Mont Ventoux, a obtenu un rendez-vous ce mardi 25 janvier en fin d’après-midi avec le préfet du Vaucluse afin d’appuyer les éléments déjà transmis sur un projet qui a récemment été évoqué au Sénat. Ses soutiens ne manqueront pas de se faire entendre sur le parvis de la préfecture d’Avignon tout au long de l’entretien.