
L’ascenseur d’une tour de neuf étages de Villetaneuse (Seine-Saint-Denis) dans le quartier Saint-Leu ne fonctionne plus depuis un mois. Parmi les locataires, des personnes malades pour qui la panne est devenue un enfer. Comme, pour Seyf, 10 ans, en situation de handicap, emprisonné chez lui et privé de ses séances de rééducation.
(...) Les parents se sont renseignés pour un transport médicalisé assurant un déplacement de l’appartement jusqu’au centre de rééducation, cette démarche nécessite plus de deux semaines d’attente. « Il n’y a que la kiné qui se déplace pour ses exercices de respiration à domicile depuis une semaine ». Même chose pour Raja qui doit rester avec son fils. « J’ai dû annuler des rendez-vous avec Pôle emploi », s’exclame-t-elle, désespérée. Sans parler de la lombalgie dont souffre Raja qui l’oblige à s’arrêter plusieurs fois quand elle monte les escaliers. (...)
Deux étages plus haut, au huitième, Leïla, 28 ans, vit ici depuis quatre ans avec sa sœur et sa mère. « La situation est inadmissible. Mon amie Laëticia, enceinte de 5 mois, ne vient même plus chez sa mère qui habite au septième étage. Mes voisins d’un certain âge ne descendent presque plus. Ils n’en peuvent plus. C’est trop fatigant pour eux. Même pour descendre leurs poubelles ».
Ahmed, 32 ans, habite au premier étage. Atteint d’un asthme sévère, l’homme est sous assistance respiratoire quotidienne. Avec sa machine qu’il doit porter à bout de bras et des poumons épuisés, pour Ahmed les marches qui le séparent du rez-de-chaussée et de son appartement représentent un parcours du combattant. « Pour moi, cet étage c’est un combat. J’essaye de monter d’une traite. Si je m’arrête, je sais que ça va durer une éternité ».
"Le bailleur doit réagir à ce genre de situation car il y a une mise en danger d’autrui"
Selon les habitants, quasiment aucune communication ne leur est faite. Raja mène un bras de fer quotidien pour en finir avec leur calvaire. Le 10 mars, soit une semaine après l’arrêt de l’ascenseur, elle envoie un courrier à l’élu en charge du logement à la ville pour le prévenir de la situation. « Ils ont mis douze jours avant d’ouvrir mon courrier. Puis, on m’a assuré d’un rendez-vous mais aucune date ne m’a été communiquée. Je me suis déplacée à la mairie. J’étais désespérée et en pleurs. J’ai demandé à voir Madame la Maire, on m’a répondu qu’elle n’était pas là. Je me suis alors entretenue avec la secrétaire qui m’a promis une accélération dans les procédures de réparation ».
Raja s’est même rendue au siège de France Habitation, le bailleur social de l’immeuble, situé à Aubervilliers. Une visite infructueuse là encore. (...)
Au neuvième étage de la tour, nous retrouvons Nadia, 55 ans, qui a tenté aussi quelques actions pour faire bouger les choses. « Je me suis rendue au siège de France Habitation pour leur présenter la situation. Tout ce qu’ils ont trouvé à me dire c’est ‘oui oui nous sommes au courant’ ». Fouad Ben Ahmed nous exprime également son incompréhension. « Cela fait un mois, un mois que c’est comme ça. J’appelle KONE, je les ai relancé plusieurs fois… Pas de réponse ». (...)
Pour les habitants, l’indifférence du bailleur semble atteindre son paroxysme lorsqu’on descend dans le hall. Collé au mur, une affiche à la mention ironique ou déplacée « Vivons mieux », c’est selon, indique aux habitants de retirer tout matériel gênant la circulation dans les paliers. Or, comment descendre un frigo, une machine à laver ou une commode sans ascenseur ? (...)
Les habitants s’entraident et s’organisent
Devant la porte de l’immeuble, quelques jeunes aident un voisin à monter ses courses. « Ces jeunes sont adorables. Ils nous aident constamment à monter nos poussettes, nos courses, nos valises. Si on ne les avait pas avec nous, je ne sais pas comment on ferait ».
« On se creuse la tête et on se dit que ce n’est plus possible, qu’il faut trouver une solution », réagit, Abdel, 22 ans. Au même moment débarque Farida, l’habitante du huitième étage, qui revient chargée de courses. Abdel lui prend son gros cabas, discute avec elle et lui monte ses courses jusqu’à son domicile. « Certains disent que c’est eux qui dégradent les halls et les ascenseurs. Mais c’est faux ! En réalité, ce sont eux qui nous tendent la main. Où est le maire ? Où est France Habitation ?, s’indigne Nadia. En attendant, c’est la solidarité entre voisins qui permet de tenir le coup ». (...)
Les habitants et le collectif organisent un rassemblement devant l’immeuble ce lundi 2 avril. Objectif : fédérer les habitants du quartier pour faire entendre leur voix et changer une bonne fois pour toute leur situation.