
La sortie du film Les figures de l’ombre a mis sur le devant de la scène le rôle de femmes, noires qui plus est, dans le développement des programmes spatiaux de la NASA. Ces personnes subissaient alors un double handicap : noires, elles ne pouvaient pas accéder aux postes de responsabilité réservés aux blancs dans une Amérique ségréguée ; femmes, elles étaient considérées comme moins intelligentes, moins douées en science que les hommes.
(...) Le Moyen Âge ne pensait pas l’aptitude aux sciences en termes de race : les savants arabes ont été abondamment utilisés par les universitaires, que ce soit pour comprendre Aristote, pour la médecine… Les femmes en revanche ont une place bien plus discrète dans le développement de la science. Les universités sont pendant longtemps réservées aux clercs, donc par définition fermées aux femmes. (...)
Entrer en religion : un facteur d’ascension pour les femmes ?
Pourtant, on trouve quelques cas de femmes qui ont poussé leurs études si loin qu’elles deviennent des références dans ces matières réservées aux hommes. Pour cela, elles doivent prendre le voile. Les dirigeants des ordres religieux au milieu du Moyen Âge sont souvent les rejetons de grands aristocrates, et c’est également vrai pour les femmes : (...)
L’exemple le plus célèbre est sans doute Hildegarde de Bingen. Il s’agit d’une religieuse allemande du XIIe siècle. On la connaît surtout pour la musique qu’elle a composée, notamment soixante-dix-sept symphonies. Or la musique au Moyen Âge est une science, un des « arts libéraux » qui constituent le cursus universitaire de base, et est proche des mathématiques. Elle s’occupe également de médecine et d’astrologie, des sciences étudiées à l’université, mais dont elle a pu faire l’apprentissage dans son couvent auprès d’autres femmes lettrées. Son statut de religieuse lui permet d’en remontrer aux puissants de ce monde, et en fait la conseillère des papes, des rois, et de l’empereur Frédéric II Barberousse.
Le savoir par le scandale
Hildegarde n’est qu’un exemple parmi d’autres, mais qui témoigne aussi de l’éducation des femmes d’une élite restreinte. (...)
La connaissance est accessible pour certaines femmes d’élite qui bénéficient d’une éducation privilégiée. Il s’agit d’une poignée de figures, qui sont d’une grande importance, mais qui restent extrêmement minoritaires dans un monde lettré dominé par les hommes. Ces femmes exercent une autorité dans un cadre restreint, celui du couvent, ce qui leur donne une position sociale importante, mais sous tutelle des autorités ecclésiastiques… masculines bien sûr.
Une femme ? Enseignante ?!
Certaines – encore plus rares – parviennent à des positions qui les amènent à enseigner dans les écoles qui se développent au XIe siècle. (...)
Certaines sages-femmes sont en réalité des personnes aux compétences médicales approfondies, basées sur la pratique, mais également sur la lecture de textes médicaux plus théoriques. De nombreuses femmes pratiquent également la chirurgie. Certaines acquièrent une telle réputation qu’elles en viennent à enseigner dans les écoles de médecine. (...)
L’université, facteur de recul de la place des femmes dans le savoir ?
Tous ces exemples proviennent des XIe et XIIe siècles : ce n’est sans doute pas un hasard… Avec l’institutionnalisation des universités au XIIe et surtout au XIIIe siècle, l’accès au savoir est de plus en plus conditionné au fait d’accéder à ces lieux d’enseignement, réservés aux clercs, donc aux hommes. Les universités de médecine notamment vont obtenir le droit exclusif de former les praticiens. La fin du Moyen Âge voit le recul automatique de la présence des femmes médecins, puisqu’elles ne peuvent aller à l’université. Certaines femmes exercent malgré l’interdiction, mais dans des proportions très faibles. (...)
Heureusement, nous n’en sommes plus là… Et pourtant, quand on regarde la disproportion de femmes dans les postes à responsabilité, notamment à l’université, on peut encore se poser des questions…