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Jean-Marie Harribey pour Alternatives Economiques
Ah, que la conjoncture est jolie !
Article mis en ligne le 19 avril 2015
dernière modification le 8 avril 2015

On croit avoir tout entendu, tout vu, mais non, chaque jour nous sont offertes de nouvelles billevesées. On pensait avoir affaire à une crise systémique, mais, la conjoncture s’améliorant, le bout du tunnel tant de fois annoncé est là, tout proche. Vessies pour des lanternes ? Méthode Coué ? Foi dans les prophéties autoréalisatrices ?

Après une année 2014 avec une croissance économique nulle, qui suivait deux années de quasi-stagnation également, l’INSEE prévoit, dans sa Note de conjoncture de mars 2015, une croissance de 0,3 à 0,4 % pour chacun des deux premiers trimestres 2015. Si cette tendance se vérifie et se prolonge toute l’année, il y aurait un peu plus de 1 %. Quel millésime !

Les commentateurs croient tenir la martingale avec ce 1 %. Déjà le Monde Éco&entreprise du 4 avril 2015) titre : « François Hollande cherche à pérenniser la croissance ». Pérenniser la croissance ? Mais laquelle ? Celle du passé récent ? C’est zéro. Celle vue dans le marc de café du matin pour le soir ? C’est oublier les causes profondes du marasme.

L’annonce au clairon est suivi de la douche froide. L’investissement continue de stagner en France, voire de diminuer. Comment la croissance pourrait-elle, non pas être pérennisée, mais démarrer véritablement ? Pour chacun des deux prochains trimestres, l’INSEE prévoit 0,3 % de baisse de la formation brute de capital fixe (FBCF), malgré la remontée des taux de marge des entreprises autour de 31,5 % en milieu d’année, soit deux points de plus par rapport au niveau de fin 2013.

Alors, d’où viendra le miracle ? En grande partie des autres. D’abord, l’euro baisse par rapport aux autres devises, surtout le dollar (bientôt 30 % de moins en un an), notamment par le biais de l’assouplissement monétaire conduit par la Banque centrale européenne. Les exportations seront dopées de 08 et 1,2 % pour les deux premiers trimestres 2015. Ensuite, l’effondrement du prix du pétrole (près de moitié en un an) diminue les coûts de production et stimule la demande, pour autant que cette baisse des coûts ne sera pas absorbée en hausse des marges bénéficiaires. (...)

Quelques jours à peine avant la publication de la note de conjoncture de l’INSEE, les pleureuses s’alarmaient que les salaires moyens avaient augmenté réellement de 1,4 % en 2014. Vous pensez, c’est énorme, après la décrue consécutive à la crise !

Ce qu’on ne nous a pas dit, c’est que cette hausse moyenne cache une disparité de progression entre le haut et le bas. Quand les très hauts salaires progressent beaucoup plus vite que ceux du bas, la progression moyenne ne signifie rien. Si on élimine l’influence de la variation des très hauts salaires, que reste-t-il de la progression du reste ? Les études disponibles sont incertaines. De plus, les salaires individuels peuvent rester stables mais la moyenne peut varier selon la part occupée par les bas, moyens et hauts salaires.

On s’alarme de la progression des salaires dans une phase de stagnation économique, mais que dit-on de la progression des profits dans le même temps ?
(...)

Ce qui est dérisoire dans cette affaire, ce n’est pas tant la croissance économique que la vacuité de la pensée qui nous gouverne. La crise n’est pas conjoncturelle, elle est systémique, et elle oblige à redéfinir radicalement le sens de l’économie vers laquelle il faut aller et non pas repartir pour refaire pareil, et en plus de manière rabougrie ! (...)