
Alerté sur les pratiques des Caf, Le collectif baptisé « Changer de Cap » a lancé depuis le début de l’année un vaste travail d’enquête. Il a fait le constat d’un « accroissement exponentiel des contrôles » sur les allocataires, avec 32 millions de contrôles automatisés en 2020. Le processus engagé depuis plusieurs années est devenu aujourd’hui insupportable.
En effet, alors que les services sociaux sont invités à lutter contre le non recours aux droits, le système automatisé de contrôles met les familles et les particuliers tellement en difficulté que nombre d’entre eux abandonnent les recours et même l’actualisation de leurs situations. Tout cela est amplifié par ceux que l’on nomme désormais les naufragés du numérique.
13 millions de foyers surveillés
L’automatisation des contrôles est présentée par la convention d’objectifs de la CNAF comme un moyen de sécuriser les versements au plus juste et de lutter contre la fraude. Le système s’est développé au fil des ans. Aujourd’hui, plus de 1000 données sont collectées par personne sur 13 millions de foyers, soit la moitié de la population française. Ces données sont issues de l’interconnexion des fichiers des différentes administrations publiques. Selon le collectif, La CAF peut également consulter, à l’insu des personnes, leurs comptes bancaires, fiches de salaires, attestations d’assurance, factures d’énergie, etc. à des fins de contrôle. Au total, en 2020, 7 millions 350 mille allocataires ont été contrôlés. Cela correspond à peu près au total des bénéficiaires du RSA (1,95 millions), de l’AAH (1,22 millions) d’allocataires des APL (2,97 millions) et de la prime d’activité (4,43 millions), sachant que certains touchent plusieurs aides.
Une suspicion « auto – entretenue »
Le collectif « Changer de cap » explique que l’exploitation de ce flot de données (Data mining) est réalisée par des algorithmes à partir d’instructions données par l’administration. Ils sont opaques, non publiés, conçus à partir de critères qui ne sont pas explicites.
Un profil est établi pour toutes les familles, quels que soient leurs revenus. Il permet de réaliser un contrôle des ressources de l’ensemble de la population. L’algorithme calcule un « score de risque » en fonction de ses caractéristiques sociales, économiques, fiscales, etc. Cela conduit inévitablement à concentrer les contrôles sur les plus fragiles. Selon le collectif, la faiblesse des revenus est devenue un critère qui entre dans le calcul du score. (...)
Certains contrôles « inhumains »
Changer de Cap publie sur son site de multiples témoignages. Certains d’entre eux révèlent la mauvaise foi de l’administration de la CAF (à ne pas confondre avec son service social). La Défenseure des Droits a aussi relevé et dénoncé des abus suite à des contentieux qui l’ont conduit à se positionner. Les exemples donnés par le collectif ne sont pas isolés. Ainsi, les témoignages sont classés en catégories. Ils sont affligeants. Il est aussi rappelé à cette occasion l’inhumanité de certains contrôles. L’automatisation des contrôles, l’impossibilité d’obtenir des réponses claires et rapides et le manque de dialogue génèrent une angoisse permanente sur de nombreux allocataires et ont des effets sur l’équilibre psychique des personnes incriminées.
Le contrôle à la fraude a bon dos. (...)
Cette suspicion automatisée a pris des aspects détestables et je me prends à avoir honte du sort que certains allocataires de la CAF subissent et des situations Kafkaïennes dans lesquelles ils doivent parfois se débattre. C’est triste tout simplement, mais c’est tout autant révoltant.