
Ce livre est, plus profondément, un appel à rejeter les mesures « d’atténuation » gadget, dont certains politiciens paresseux, fans d’une pseudo-Mme Michu, sont friands …
Pour l’auteur, Guillaume Sainteny enseignant à AgroParisTech, ayant assumé diverses fonctions au Ministère de l’Ecologie et du développement durable ces 20 dernières années, la « mère de toutes les batailles environnementales » n’est pas la question climatique. Du moins, pas telle qu’elle est actuellement posée le plus souvent -et singulièrement, telle que la COP21 la « campe ». Lui donne incidemment raison, le texte d’accord international dont le nombre de pages à « réduire drastiquement » semblait être à Bonn, la semaine dernière, l’affaire du siècle ! En lui même, un gage de succès parisien, valant viatique pour le bien-être des générations futures ? (...)
présenté à Bonn ce 20 octobre, à l’occasion de travaux onusiens préparatoires à la 21ème Convention Climat de Paris , un rapport-bilan de l’OCDE sur l’efficacité des politiques publiques conduites en la matière (L’atténuation du changement climatique : politiques publiques et progrès réalisés, de Mikaela Rambali & Gregory Briner, OCDE, octobre 2015) dresse un tableau qui fait irrésistiblement penser à une fameuse campagne napoléonienne, la Berezina.
Aller au « plus facile » (électoralement) plutôt qu’au « plus éco-efficace »…
Politique publique qu’en France, Guillaume Sainteny débattant récemment à l’ENSCI , dans le cadre de BibliOrée , tacle de politique « stop and go ». En première ligne (de mire) : « les politiques conduites en matière fiscale et budgétaire (…) contradictoires avec la politique climatique, au point de l’entraver » . D’où le projet de ce livre : « ré-examiner la prééminence, considérée comme allant de soi, du thème climatique au sein des politiques d’environnement. (…) Quasiment absente jusqu’aux années 1990, la question climatique a pris depuis une importance telle qu’elle en vient non seulement à les dominer mais aussi à les escamoter, voire à leur nuire ». Et d’insister sur la gravité, en termes de mort prématurée comme de coût économique, d’autres considérations écologiques comme la pollution de l’air , de l’eau potable, ou encore la qualité des sols et des stocks halieutiques dont sont extrêmement dépendants des cohortes humaines parmi les plus fragiles de la planète.
… pour une planète viable
Autrement dit, la bonne santé de la biodiversité et la « gérance » parcimonieuse de la nature devraient être au plus haut de l’agenda et servir de crible aux éminentes décisions prises au nom du climat. (...)
Autre velléité borgne dénoncée par l’auteur : quelques coups de canifs portés à la loi de protection du littoral et son patrimonial « tiers sauvage » balafré, pour quelques éoliennes de plus ? Le climat a bon dos. Un subterfuge, le plus souvent, pour habiller de vert le soutien public à certains secteurs d’activités, statue Guillaume Sainteny. Malgré le leitmotiv du climat à sauver, la politique budgétaire et fiscale est toujours favorable aux énergies fossiles, démontre-t-il.
Hypocrisie climatique
Même « son de cloche » entendu au cours de l’Université d’été de la fondation e5t à La Rochelle (26 août 2015) consacrée à cette question : la COP21 tiendra-t-elle ses promesses ? Dans ce cadre, Thomas Porcher, Docteur en Economie (Paris Sorbonne), co-auteur d’un livre intitulé 20 idées reçues sur l’énergie (éd. Boeck, 2015) a fustigé l’hypocrisie climatique . Même les pays comme l’Allemagne persistent à favoriser les énergies fossiles, a-t-il mentionné. Certes elle a fait clairement le choix des énergies renouvelables et tout aussi massivement, pour contrebalancer leur intermittence notamment, celui des centrales… à charbon. Une source responsable, dans le monde, de 50% des émissions (électriques) de GES anthropiques. Comment croire que les pays sont réellement attelés à la tâche quand à tour de bras sont signés des traités de libre-échange sans l’ombre d’une clause prenant en compte les émissions de CO2, souligna-t-il.
Pour sa part, le rapport de l’OCDE pré-cité n’en disconvient pas : au sein non seulement de la France mais de l’UE, des autres pays de l’OCDE et de 10 pays partenaires étudiés en l’occurrence, si le niveau de soutien aux combustibles fossiles a fléchi ces 2 dernières années, il n’en demeure pas moins élevé. (...)
Halte à la « simplification » : arbitrer la complexité honorerait nos Politiques
Encourager la diésélisation du parc automobile, à coup de crédit d’impôt (« bonus » assis sur des seuils d’émission de CO2 au km parcouru attractifs) au mépris de la santé des citadins exposés à des « pics » de pollution allergisante et accélératrice du décès des plus fragiles, en France, l’un des pays les moins émetteurs de la planète, a de quoi, rétrospectivement, faire froid dans le dos. D’autant que pendant ce temps, la vente de centrales à charbon, clé en mains en Chine, allait bon train (cf « Charbon propre : mythe ou réalité ?, Groupe de travail de la Délégation Interministérielle du développement durable, Ministère de l’Ecologie et Charbonnages de France, 2006) ! Depuis l’an dernier, ce continent est champion des rejets visés par la Convention Climat et les habitants de ses villes les plus « développées », victimes d’une pollution de l’air spectaculaire, et criminelle. « En 2010, la pollution par particules fines a entraîné plus de décès prématurés que la Malaria » estime l’auteur .
« Notre Maison brûle » , l’Europe continuera-t-elle à surtout jouer les fiers-à-bras, se voulant « exemplaire » aux yeux des autres membres ? Et encore, exemplaire à l’aune d’un indicateur en passe de figurer l’alpha et l’oméga de nos vies : la tonne de CO2 évitée sur cette zone -occultant les émissions rejetées ailleurs, pour produire les biens et services importés et consommés hic & nunc - tend à s’ériger comme seul indicateur d’efficacité environnementale, relève Guillaume Sainteny . On traite de la conséquence, le climat, plus que des causes : érosion de la biodiversité, déboisement, dégradation des sols, extension de leur « artificialisation », accentuation de certaines pollutions atmosphériques … pourtant anthropiques, elles aussi. Certes, les phénomènes de rétroactions existent aussi, renversant la relation de cause à effet, convient l’auteur.
Exemplaire : en quoi ?
Nos flamboyants « investissements d’avenir » sont-ils tous au service d’une planète viable ? (...)
La notion de responsabilité historique, « commune mais différenciée », un boulet traîné de COP en COP depuis Kyoto, culpabilisant les anciens pays industriels, par le passé principaux émetteurs de GES avec chèque en blanc laissé au développement, à n’importe quel prix, des grands émergents s’avère inapte à relever le défi, et totalement désuète maintenant.
Pour la COP21, le succès serait du point de vue de l’auteur, d’arriver à s’accorder sur davantage d’adaption , notamment dans les pays les plus vulnérables qui se trouvent être aussi les plus impécunieux, financés avec l’aide des plus riches -d’aujourd’hui, et non pas il y a 21 ans ! Il est plus que temps d’actualiser les tableaux de bord…