
A partir de ce mardi 28 avril, les parlementaires vont être amenés à examiner un texte permettant la mise en œuvre d’une application de traçage numérique dénommée « StopCovid ». Cette application anti-coronavirus, présentée comme l’outil idéal du déconfinement, porte en elle un ensemble de dispositions gravement attentatoires aux libertés individuelles et collectives, et totalement contraires à la Constitution française et à toutes les conventions internationales
Développée par le gouvernement français par le biais de l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), avec divers partenaires européens, cette appli permettrait à chacun de savoir, via une alerte sur son smartphone, si une personne croisée récemment était testée positive au Covid-19. Chaque utilisateur serait référencé dans une base de données centrale, sous la forme d’un identifiant unique anonyme.
Un dispositif très centralisé, qui n’est aucunement une garantie contre un possible contrôle de l’outil et de ces milliards de données personnelles par son propriétaire : un « Big brother » d’Etat ou les Gafa. Basé sur le consentement ou le volontariat, ce qui peut paradoxalement freiner son efficacité, et sur l’utilisation généralisée du smartphone, dont 44% des plus de 70 ans ne sont pas équipés, cet outil n’a pas convaincu nombre d’experts quant à sa fiabilité.
Dans un avis rendu public dimanche 26 avril, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) souhaite ainsi que « certaines garanties supplémentaires » soient apportées par le gouvernement et met en garde contre « le solutionnisme technologique ».
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Application StopCovid : la France fait bande à part et ça pose problème
Comme la Grande-Bretagne, la France tourne le dos à la solution technique développée par Apple et Google pour le traçage anonyme de la population en sortie de confinement. Un choix technologique qui s’appuie sur la "centralisation" des données des utilisateurs de StopCovid et qui est incompatible en l’état avec les iPhone. (...) Le problème, c’est que la France se retrouve isolée par son choix d’une technologie propriétaire, développée en compagnie de Withings, Orange ou encore Dassault. Dimanche, l’Allemagne a ainsi décidé de faire marche arrière et de se rallier au système mis en place par Apple et Google. Constatant qu’Apple ne débloquerait pas ses iPhone, le ministre de la Chancellerie Helge Braun et le ministre de la Santé Jens Spahn ont ainsi confirmé que leur pays optait pour une approche « décentralisée » de la recherche des contacts numériques, abandonnant leur solution qui aurait donné aux autorités sanitaires un contrôle central sur les données de traçage.
La « centralisation » des données est tout l’enjeu des applications de traçage de la population. Qui dit « centralisation » dit « serveur » où sont stockées les données de utilisateurs. La « décentralisation », prônée par Apple et Google, s’appuie sur des données stockées dans le téléphone, et elle laisse le choix, à l’utilisateur, de partager ses données personnelles, comme son état de santé, avec les autorités sanitaires.
La CNIL attend le débat parlementaire pour donner un avis définitif
Côté France, mais aussi en Grande-Bretagne, on défend la « centralisation » et pour le gouvernement français, « c’est une question de souveraineté sanitaire et technologique. StopCovid sera la seule application totalement intégrée dans la réponse sanitaire de l’Etat français. Cela ferme le débat » lâche Cedric O, toujours dans le JDD. Un « débat » peut-être clos sur la partie technologie, mais qui ne fait que débuter sur le plan de l’éthique et des libertés individuelles. (...)
D’apparence presque ludique, cette appli ressemble plus à un projet politique destiné à faire oublier les mensonges et les approximations du gouvernement, l’impuissance des autorités ligotées par des années de destruction du service public de santé, les défaillances d’Etat largement documentées par la presse (pas de masques, pas de tests…) dans la préparation et la gestion de la pandémie.
« StopCovid » s’annonce comme un véritable bracelet électronique passé « volontairement » au poignet des Français. Sur la base d’une forme de chantage liant ce « volontariat » à la réussite du déconfinement et à la protection de la santé des citoyens.
Cette application et le stockage des données seraient « temporaires », selon le gouvernement. Mais temporaires jusqu’à quand ? Qui est capable de prédire la fin de cette crise sanitaire inédite ? La fin de la pandémie étant plus qu’incertaine, ces dispositions portent en elles le risque d’une accoutumance à une surveillance généralisée, banalisée et pérenne.
A l’image de ce qui se passe dans le cadre du droit du travail, le contexte exceptionnel d’aujourd’hui est propice aux dérogations provisoires, amenées à durer. Dans un passé très récent, ce sont déjà des situations exceptionnelles qui avaient permis d’installer dans la durée des dispositions liberticides, comme celles de la loi Renseignement de 2015 et bien d’autres lois de circonstance, qui attaquent les libertés fondamentales et transforment les citoyens en suspects possibles permanents.
Le Syndicat national des journalistes (SNJ), le Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT), la Ligue des droits de l’homme (LDH) et l’Union syndicale Solidaires appellent tous les parlementaires à voter contre cette fausse solution miracle, véritable danger pour les libertés publiques et les droits de l’Homme.