
En début de semaine, des heurts ont opposé jeunes et policiers à Amiens-Nord. Un quartier « affreux pour les gosses » et frappé par le chômage. Rencontres.
(...) « A Amiens, tu vis déjà en marge, dans une région pauvre. Mais Amiens-Nord, c’est la marge de la marge. Au début, tu ne te rends pas compte. Et un jour, tu comprends que tu vis dans une prison et que tu as pris une longue peine. »
De retour un an après dans cette vaste plaine de grands ensembles, coincée entre la zone industrielle et les champs, nous nous souvenons de ses mots. Dans la nuit de lundi à mardi, des heurts ont éclaté entre jeunes de certains quartiers d’Amiens-Nord (25 000 habitants) et les forces de l’ordre.
Khaled, 34 ans, était à sa fenêtre lundi soir :
« Ceux qui ont malmené les flics, ce sont des gamins. Certains d’entre eux ont à peine 14 ans. L’oisiveté est mère de tous les vices. A Amiens-Nord, on est tous oisifs. »
Au hasard des conversations d’arrêts de bus, nous percevons le tiraillement des habitants : s’ils considèrent l’émeute comme un accès de colère infantile, ils partagent la révolte des gamins du quartier. (...)
Deux estafettes de CRS passent au ralenti. Le petit garçon les accompagne du regard. Son père le surveille du coin de l’œil :
« Mon gamin a 5 ans et me parle de police, d’inspecteurs, de CRS. Est-ce que c’est normal pour un gosse de son âge de savoir tout ça et d’y être déjà habitué ? Il y a quelque chose de malheureux là-dedans, non ? »
(...)
« A 13 ans, les gamins sont déscolarisés. La dernière fois qu’on a demandé aux pouvoirs publics comment les rattraper, ils nous ont parlé d’améliorer l’image du collège. Le dialogue est rompu et le statu quo les arrange. » (...)