
Spécialiste du XVIIIe siècle, Arlette Farge ne s’est toutefois pas intéressée à la Révolution. Elle a consacré toute sa carrière à éplucher les archives judiciaires du siècle des Lumières pour rendre hommage aux "gens de peu", aux incidents mineurs, à la vie du "peuple", à celles et ceux qui n’ont jamais rien écrit.
Arlette Farge est historienne. Elle est l’autrice de très nombreux ouvrages dont la lecture donne à voir et à entendre la face cachée du XVIIIe siècle. Son travail, depuis le début des années 1970, a donné voix, donné corps à des personnes qui n’étaient pas, jusque-là, sujets de l’Histoire. La carrière d’Arlette Farge s’intéresse aux vies oubliées, aux "faibles intensités" ; ce qui ne se perçoit pas immédiatement et ne fait pas les grands évènements. Arlette Farge a le goût du minuscule, du non remarquable. Dans son dernier livre, Vies oubliées - Au cœur du XVIIIe siècle (La Découverte, 2019), comme dans les précédents, elle donne ainsi à voir l’envers du siècle des Lumières. Selon elle, les Lumières ont apporté le progrès, sans comprendre ce qu’ont été la misère et les inégalités. Quelques semaines après la parution aux éditions de l’EHESS d’un livre d’entretiens intitulé Instants de vie, Arlette Farge a accepté de se raconter au micro de Zoé Varier et de rendre hommage à ce "petit peuple" du XVIIIe siècle qui ont constitué, selon ses termes et ceux de la chanteuse Barbara, l’une de ses plus belles histoires d’amour. (...)
à cette époque un·e habitant·e de Paris sur trois avait affaire à la police, le système de surveillance et de contrôle de la population était particulièrement présent. Ces "vies oubliées" étaient en l’occurrence des vies laminées par les systèmes politique, policier et judiciaire. Ces archives présentent ainsi l’avantage de donner l’accès à la vie de celles et ceux qui ne savaient pas écrire, qui n’avaient ainsi pas pu, sans l’intervention de la police, laisser de trace écrite de leur existence.
Ce jour de 1970, Arlette Farge a tout de suite été saisie par l’émotion à la lecture de ces archives. Transportée. C’était comme si elle les entendait parler. Elle a eu l’impression de les voir vivre de ses yeux et elle s’est prise à rêver qu’elle pourrait toucher du doigt ces visages écrits et sentir le cœur et le corps derrière les descriptions. (...)