
Victime de l’importante vague de répression qui sévit en Turquie depuis le coup d’Etat manqué de juillet 2016, la romancière Asli Erdogan est emprisonnée depuis le 16 août dernier. Au cours de la Foire du Livre de Francfort, une cinquantaine de professionnels du livre se sont réunis dans un des salons de l’événement, mercredi 19 octobre, afin d’apporter leur soutien à la romancière.
Asli Erdoğan doit répondre de trois chefs d’accusation : : « propagande en faveur d’une organisation terroriste », « appartenance à une organisation terroriste », et « incitation au désordre ». Lorsque les professionnels du livre se sont réunis pour marquer leur soutien, un discours a été prononcé par Timour Muhidine, directeur de la collection Lettres turques aux éditions Actes Sud :
« Evet, Aslı yalniz degilsin. Yalnız kalmayacaksin. Oui, Asli, tu n’es pas seule.
Aucun auteur ne mérite d’être jeté en prison à cause de ses écrits.
Personne n’ignore que ce fut le cas, au long du siècle précédent, dans beaucoup de lieux au monde, mais qui pouvait imaginer que cela arriverait de nouveau, il y a deux mois, à une romancière, en Turquie ? Aslı Erdoğan, écrivaine centrale de la littérature turque, collaboratrice de différents journaux sur le thème des minorités, a fait la preuve de son courage : elle s’est engagée du côté des opprimés et n’a cessé de dénoncer les défaillances de l’État. (...)
La Turquie vaut mieux que l’image que nous avons d’elle. Quoique problématique à plusieurs titres, ce pays n’a jamais cessé de donner de nouvelles générations d’auteurs et d’artistes qui ont, à travers leurs ambitions créatrices, combattu pour exister, pour imposer de nouvelles formes littéraires et défendre leur vision de l’humanisme. C’est pourquoi nous déplorons que ce pays dont nous avons, en tant que maison d’édition, promu la littérature depuis 15 ans, le pays dont nous continuons de soutenir avec foi la littérature, le pays qui régulièrement se plaint de sa mauvaise image à l’étranger, en est arrivé à ce point. Insensé, et cruel.
Nous savons que les conditions de sa détention, loin de s’être améliorées, ont au contraire empiré.
La meilleure chose que ses amis et ses éditeurs étrangers peuvent faire est de continuer d’exiger sa liberté. Des voix s’élèvent depuis la Turquie la Norvège, l’Italie, la France, l’Allemagne, la Pologne (et sûrement d’autres encore) et elles ne se tairont pas : nous réclamons le retour d’Aslı Erdoğan à une vie normale, il n’y a pas d’autre solution.
Et nous ne baisserons pas les bras. »
L’intégralité de cette allocution a été mise en ligne sur le site des éditions Actes Sud. Il est possible également de signer une pétition en faveur de la libération de la romancière turque. (...)