
La plus haute instance administrative a jugé contraire au principe d’égalité la modification du mode de calcul des allocations chômage. Les syndicats demandent l’annulation de toute la réforme.
En quelques mots arides, le Conseil d’État vient de mettre à bas ce qui aurait dû être un point majeur d’une réforme chère à Emmanuel Macron et à son gouvernement, celle de l’assurance-chômage. Ce mercredi 25 novembre, la plus haute instance administrative française, saisie par la CGT, Force ouvrière, la CFE-CGC et Sud-Solidaires, a décidé que la réforme prévue du mode de calcul de l’allocation chômage portait « atteinte au principe d’égalité », et l’a donc annulée.
Cette mesure devait initialement s’appliquer le 1er avril 2020, mais son application a été repoussée au 1er janvier 2021, puis au 1er avril 2021, en raison de la crise économique déclenchée par l’épidémie de Covid-19 et par les deux périodes de confinement.
Il s’agissait d’une redéfinition sévère des règles de calcul des indemnités chômage : au lieu d’être définies (comme elles le sont depuis quarante ans) à partir d’une moyenne des salaires touchés les jours travaillés par un salarié pendant un an, elles auraient dû l’être à partir de son revenu mensuel moyen, qu’il ait travaillé ou non. (...)
Mediapart avait exploré en détail les lourdes conséquences de l’application de ce nouveau mode de calcul par Pôle emploi du « salaire journalier de référence » (SJR), qui sert de base à tous les versements d’indemnisation. Selon l’Unédic, les allocations versées à au moins 850 000 nouveaux chômeurs auraient chuté. Et ce sont les plus précaires des chômeurs qui auraient dû être touchés : ceux qui alternent périodes chômées et périodes travaillées auraient perdu jusqu’à 50 % de leurs indemnités mensuelles. Dans les cas les plus extrêmes, la réforme aurait abouti à diviser par quatre ou cinq les montants versés tous les mois.
Cette transformation majeure visait à « corriger » la situation selon laquelle, a assuré le gouvernement pendant de longs mois, un chômeur sur cinq touche « une allocation chômage supérieure à la moyenne de ses revenus » lorsqu’il travaille. Peu importe si cette antienne repose sur une arnaque intellectuelle, puisqu’elle nécessite de comparer entre elles des périodes de temps différentes, et parce que les règles de l’assurance-chômage sont ainsi faites que l’allocation ne peut jamais dépasser 75 % du salaire précédent. (...)
Le cœur de cette réforme est donc illégal, estime le Conseil d’État (...)
Un deuxième point est annulé, à la demande du Medef, cette fois. Il s’agit du « bonus-malus » modulant les cotisations sociales payées par un employeur, en fonction du nombre d’emplois précaires embauchés par rapport à la moyenne du secteur d’activité.
Le patronat a tout fait pour combattre cette mesure, présentée par le gouvernement comme un moyen d’équilibrer sa réforme, très largement considérée comme punitive envers les demandeurs d’emploi. (...)
Le Conseil d’État a jugé cette fois que le gouvernement avait eu tort de renvoyer à un simple décret la définition des critères précis qui devaient conduire à la modulation des cotisations sociales. Il s’agit d’une « subdélégation illégale », situation où une autorité se décharge de son pouvoir de décision sur une autorité inférieure. (...)
Les syndicats rappellent avec force que le passage de quatre à six mois du critère d’éligibilité toucherait en premier lieu les plus jeunes. Les nouveaux arrivés sur le marché du travail auront en effet du mal à atteindre les six mois travaillés en deux ans demandés pour bénéficier du chômage, alors même que les moins de 25 ans sont déjà privés du RSA. Le 12 novembre, le gouvernement avait indiqué qu’il était prêt à réfléchir à l’infléchissement de ces règles. Cela devient urgent s’il souhaite sauver la face.