
Editorial. Les premières dispositions de la réforme, qui entrent en vigueur vendredi 1er novembre, ouvrent certes des droits mais durcissent les conditions d’éligibilité. Avec le risque d’étendre la précarité qu’une telle mesure prétend combattre.
Depuis quelques jours, Muriel Pénicaud fait la promotion de la réforme de l’assurance-chômage, concoctée à l’abri des partenaires sociaux, qui n’avaient pas réussi à s’entendre, par le seul gouvernement. La ministre du travail est dans son rôle quand elle valorise deux innovations qui étaient des promesses d’Emmanuel Macron. La première concerne les salariés démissionnaires, qui pourront bénéficier d’une indemnisation s’ils ont un « projet professionnel ». Mais les conditions sont tellement strictes qu’il ne devrait y avoir qu’entre 17 000 et 30 000 élus chaque année. La seconde vise les travailleurs indépendants, qui auront désormais droit à une allocation de 800 euros par mois pendant un semestre. Là aussi, l’effet sera limité, avec 30 000 bénéficiaires par an. (...)
Ces deux mesures sont des mini-pansements qui n’atténuent en rien le caractère punitif de la réforme. Justifiée par la nécessité de faire 3,4 milliards d’euros d’économies sur deux ans et accompagnée d’une petite musique sur l’amélioration de l’emploi, elle tourne le dos à la justice sociale et risque d’étendre la précarité qu’on prétend combattre, voire de fabriquer de nouveaux pauvres au moment où une stratégie audacieuse contre la pauvreté se met en place. Pire encore, elle nourrit une suspicion à l’égard des 6 millions d’individus inscrits à Pôle emploi sans aucun travail ou avec une activité réduite, comme s’ils cherchaient à s’installer dans le chômage sans tenter de retrouver un emploi. (...)
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Pour les promoteurs de la réforme, qui va entrer progressivement en vigueur dès novembre, les allocations seraient trop généreuses et décourageraient les individus de retrouver un emploi. Le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin a même remis une pièce dans la machine mercredi, affirmant sur France Inter : « On connaît tous certains de nos amis cadres qui se disent qu’ils vont prendre un peu de temps avec les allocations chômage avant de reprendre un boulot ». Pire encore, certaines personnes toucheraient plus au chômage qu’en travaillant (voir la polémique sur les 20 % de chômeurs qui gagnaient plus au chômage qu’en travaillant).
Effets négatifs massifs
Après l’annonce en juin des modalités de cette réforme publiées dans un décret, le 28 juillet 2019, les syndicats ont immédiatement réagi. Ils dénoncent une réforme injuste socialement qui entraînerait de terribles effets sur la situation des demandeurs d’emploi. Pourtant aucune réponse du gouvernement. Aucune étude d’impact. Aucune enquête sur les effets de comportement. (...)