
Le film « Made in Bangladesh », de Rubaiyat Hossain, raconte le quotidien et le combat pour leurs droits d’un groupe d’ouvrières de l’industrie du textile bangladaises. Cette fiction s’inspire de la vie de Daliya Akter, que Reporterre a rencontrée.
Shimu, 23 ans, travaille dans une usine de prêt-à-porter à Dacca, au Bangladesh. Soumise à des conditions de travail de plus en plus dures, elle décide de monter avec ses collègues — toutes des femmes — un syndicat, malgré les menaces continues de la direction et le désaccord de son mari. Se déroulant en 2013, le film Made in Bangladesh, dont Reporterre est partenaire, raconte le combat de cette jeune femme, sa lutte salvatrice contre l’exploitation du « manageur », l’autorité d’un mari au chômage et la « la pression d’en haut », qui impose au ministère du Travail de ne pas donner la signature finale nécessaire à la création du syndicat.
Made in Bangladesh est une fiction mais s’inspire de la vie réelle de Daliya Akter, une ouvrière du textile bangladais. À l’âge de 12 ans, a-t-elle raconté à Reporterre, Daliya a fui sa famille et la campagne pour Dacca, la capitale du pays, après avoir « pris peur » lorsque ses parents l’ont « donné en mariage à [son] cousin » de 40 ans. À Dacca, elle était logée par un autre cousin mais a rapidement cherché du travail car ce dernier « battait sa femme et ses enfants ». Daliya assistait « à de nombreuses violences ».
« On devait se cacher dans les toilettes quand des enquêteurs publics venaient inspecter »
Au bout d’un mois dans la capitale, elle a trouvé un emploi dans une usine de chaussures et a commencé à travailler, malgré son jeune âge. Cette illégalité ne posait pas de problème au « manageur » qui « connaissait très bien [l’âge de Daliya et de ses collègues] grâce au dossier de vaccination », mais ordonnait aux mineures de se « cacher dans les toilettes quand des enquêteurs publics venaient inspecter ». (...)
Au Bangladesh, environ quatre millions d’ouvrières et d’ouvriers sont employés à bas coût dans quelque 4.500 ateliers de textile, dans lequel les femmes — parfois mineures — représentent 85 % de la force de travail. C’est un secteur d’activité vital pour le pays, qui lui rapporte 30 milliards d’euros par an et représente 80 % de ses exportations, principalement à destination de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Mais la première industrie du pays continue de sous-payer ses ouvriers.
Là est tout le paradoxe du Bangladesh. Selon la Banque mondiale, le pays connaît depuis dix ans une croissance économique exceptionnelle grâce aux exportations de textile, qui lui a permis de faire chuter de plus de 20 % le taux d’extrême pauvreté dans le pays en quinze ans. Jérémie Codron, spécialiste de ce pays et ense (...)
Une forte revalorisation du salaire minimum est intervenue en décembre 2018, jusqu’à 82 euros par mois, et ce alors qu’il n’avait pas augmenté depuis 2013. Mais cette hausse « a plutôt suscité la colère » des syndicats ouvriers, explique Nayla Ajutlouni, d’Éthique sur l’étiquette. Ils en demandaient le double, au vu de l’augmentation du coût de la vie et notamment du logement. Pour Mme Ajutlouni, « le niveau des salaires reste trop bas, avec des heures de travail démesurées et une forte répression des syndicats ou des manifestations ». (...)
Made in Bangladesh, film de Rubaiyat Hossain, 2019, 1 h 30. Au cinéma le 4 décembre. Reporterre est partenaire du film.