
À 76 ans, l’ancien président entame sa sixième campagne, 12 ans après avoir quitté le pouvoir. Banni de la dernière présidentielle, incarcéré un an et demi, Lula a vu ses condamnations annulées en 2021. Faute de successeur ou de candidat de troisième voix crédible, il semble le seul capable de déloger Jair Bolsonaro.
« Le Brésil doit redevenir un pays normal. » Contre un gouvernement qui va de crise en crise, cette petite phrase de Lula résume la teneur du discours prononcé, samedi, devant 4 000 sympathisant·es. À São Paulo, Lula ne s’est pas déclaré officiellement candidat pour ne pas se mettre en délicatesse avec la loi électorale qui l’interdit jusqu’à la fin juillet, mais personne n’est dupe : ce 7 mai a bien marqué le véritable début de sa campagne. (...)
Le Parti des travailleurs (PT) a misé gros pour lancer une véritable dynamique à cinq mois du premier tour. Avant le discours, il a sonné la mobilisation générale, invitant même ses militants et militantes à rassembler famille, amis ou voisins pour assister à l’événement aux quatre coins du pays. Sur toutes les chaînes d’info, la cérémonie est retransmise en direct. Sur scène, Lula se veut plus rassembleur que jamais, appelle à l’union et cherche à se recentrer un maximum. « C’est obligatoire », explique Alberto Cantalice, membre de la direction nationale du parti. L’électeur de gauche est déjà avec Lula, il faut aller chercher ceux du milieu. » (...)
D’où la présence sur son ticket de Geraldo Alckmin, au poste de vice-président, un homme de droite et ancien adversaire féroce, affronté aux élections présidentielles de 2006. Cette alliance a fait grincer des dents chez certain·es militant·es, mais « tout est pacifié », assure Alberto Cantalice. Pour preuve, le discours de Geraldo Alckmin a été applaudi une quinzaine de fois dans la salle, alors qu’en 2002, un autre vice-président de Lula au profil similaire s’était fait copieusement siffler.
Chargé d’attirer les électeurs et électrices de la droite modérée, de rassurer les milieux d’affaires et de dialoguer avec le monde de l’agrobusiness, le vice-président a été le grand absent du jour. Diagnostiqué positif au Covid-19 la veille, il s’est contenté d’apparaître dans une vidéo enregistrée. Tant pis pour la photo et le symbole. Lula peut malgré tout compter sur la plus grande coalition qu’il ait réussi à rassembler sous son nom depuis 1994. Entre partenaires historiques et nouveaux venus, sept partis composent le front « Vamos juntos Brasil ». Et les stratèges du parti espèrent encore attirer de nouveaux alliés.
Parfois toussotant, parfois se reprenant, Lula a récité son texte sans l’éloquence et l’improvisation qui le caractérisent. Pas de place à l’erreur cette fois, il faut rassurer et se montrer le plus présidentiable possible. Le mois d’avril a été jalonné de tensions en interne pour mettre en place une équipe de communication et le PT voulait éviter toute nouvelle surprise, après une série de sorties polémiques de Lula ces dernières semaines. (...)
Pour le moment, cette série de déclarations problématiques ne porte pas vraiment atteinte à sa popularité, assure le journaliste Bernardo Mello Franco. Mais face à un candidat qui semble prêt à tout pour rester au pouvoir, « Lula ne doit pas abuser du droit à l’erreur ».
(...) en face, Jair Bolsonaro est un président affaibli mais un candidat fort. En campagne presque permanente depuis son élection, il peut compter sur une base fidèle et une présence massive sur les réseaux sociaux, bien supérieure à celle de Lula. (...)
Dans une campagne qui s’annonce âpre, Lula a incité ses soutiens à résister aux provocations et à « gagner cette bataille pour la démocratie avec des sourires, de l’affection, de l’amour, de la paix et de l’harmonie ». Avant le lâcher de paillettes final, il conclut : « Préparez-vous, parce que nous allons commencer à parcourir ce pays. » Il devrait débuter dès la semaine prochaine, prenant la route vers le Minas Gerais, l’un des États les plus décisifs de l’élection à venir.