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Au Cambodge, les réfugiés climatiques, esclaves modernes des fabriques de briques
Article mis en ligne le 3 janvier 2019
dernière modification le 2 janvier 2019

(..) "Beaucoup d’industries dans le monde emploient des réfugiés climatiques. Mais ce qui est unique dans les usines de briques au Cambodge c’est que la très grande majorité des ouvriers sont emprisonnés dans la servitude pour dettes", relève Naly Pilorge, directrice de l’association des droits de l’homme Licadho.

C’est le cas de Chenda, le propriétaire de l’usine de briques ayant racheté son emprunt.

(...) Cinquante-six heures par semaine, Bopha, adolescente à la chevelure d’ébène, charge des pavés d’argile sur des chariots.

"Je ne vais pas à l’école. J’essaye d’aider à rembourser les 4.000 dollars qu’on doit même si cela prendra des années", raconte-t-elle à l’AFP, avant de rejoindre sa mère près de la cahute en tôle où la famille est logée dans l’enceinte même de la fabrique.

"Pour 10.000 briques transportées, nous touchons 7,50 dollars", ajoute-t-elle. (...)

Et, comme Chenda, plusieurs dizaines de milliers d’agriculteurs cambodgiens ont abandonné les rizières à la suite de vagues de sécheresse et d’inondations, incapables de rembourser l’argent qu’ils avaient emprunté auprès d’une banque ou d’un organisme de microfinance pour cultiver leur lopin de terre.

Ils ont trouvé un travail dans une des centaines de manufactures de briques qui fleurissent dans le royaume pour répondre au boom de la construction dans les grandes villes du pays.

 Dette exponentielle -

Ces fabriques font travailler "une main-d’œuvre d’adultes et d’enfants", relevaient en octobre des chercheurs de l’Université de Londres, dénonçant "une forme d’esclavage moderne".

Au vu de ce qu’ils gagnent, les ouvriers sont souvent incapables de rembourser et leur dette grossit au fur et à mesure des années. (...)

Maladies respiratoires ou de la peau, maux de tête, saignements de nez : les ouvriers travaillent sans gant ni masque et les problèmes de santé sont légion près des fours qui crachent une épaisse fumée noire. (...)

Certains patrons sont violents. Ils sont assez riches pour corrompre la police et les autorités locales. Et, malgré les abus, aucun n’a jamais été poursuivi", relève Sok Kin, président du syndicat de travailleurs BWTUC.

Quant aux ouvriers, "aucun n’est syndiqué, ils ignorent leurs droits et ont peur de perdre leur emploi", ajoute-t-il.

Au Cambodge, la durée hebdomadaire de travail est fixée à 48 heures et le travail des enfants de moins de 15 ans est interdit par la loi.

Mais, dans la fabrique de Thmey, les ouvriers effectuent au minimum 60 heures par semaine. (...)

Et, sur la trentaine d’enfants, un seul va à l’école, les autres travaillant dès l’âge de sept-huit ans pour aider leur famille.

Le gouvernement a indiqué à plusieurs reprises qu’il allait enquêter et punirait les propriétaires des fours si des cas de travail d’enfants étaient avérés.

"Mais le problème perdure depuis des années et rien n’est fait", soupire Naly Pilorge.

Contacté, le ministère du Travail n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP. (...)