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Auto-entrepreneur : le mythe du travailleur indépendant
Article mis en ligne le 20 février 2012
dernière modification le 16 février 2012

La France compte 740 000 auto-entrepreneurs. Un succès pour ce statut lancé il y a trois ans et présenté comme « une arme anticrise ». La promesse de revenus complémentaires et de créations d’activité dissimule cependant un véritable miroir aux alouettes : contournement du droit du travail, salariat déguisé sans les protections associées, isolement, transformation de travailleurs en sous-traitants bon marché…

(...) « Recrute téléopérateur, vendeur, graphiste, livreur de pizzas, coiffeuse, maçon… sous le régime d’auto-entrepreneur. » Ce type d’annonce foisonne sur Internet. Nombre d’employeurs voient dans les deux initiales « AE » un nouveau mode d’emploi. Les avantages sont multiples : baisse des cotisations sociales, qui sont gérées par le prestataire, révocation immédiate sans procédure ni indemnités. (...)

Le statut d’auto-entrepreneur fête ses 3 ans. Il est présenté comme une « arme anticrise », selon son inventeur, Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes Entreprises. Le dispositif rencontre un grand succès, dès son entrée en vigueur, en janvier 2009. Le nombre d’auto-entrepreneurs cotisant est passé de 78 500 début 2009 à près de 740 000 fin 2011. En janvier 2012, le dispositif a franchi le million d’inscriptions, malgré une hausse des radiations. De l’informatique à l’agriculture, en passant par la restauration, le journalisme ou l’éducation, tous les secteurs sont concernés. Même dans la Fonction publique [1]. Construction et commerce en tête, auto-entrepreneurs à tous les étages ! Et selon l’Insee, près d’un tiers des auto-entrepreneurs sont des demandeurs d’emploi. Chômeurs, devenez créateurs d’entreprise ! Derrière la promesse d’un complément de revenus ou de la création de son activité, c’est pourtant la porte ouverte au salariat déguisé et à la précarisation. Un véritable miroir aux alouettes.
(...)
Beaucoup de précaires de l’enseignement supérieur deviennent auto-entrepreneurs pour déjouer les restrictions liées au statut de vacataire [2]. Certains pigistes sauteraient le pas également, alors même que le Syndicat national des journalistes (SNJ) avait obtenu de Hervé Novelli le retrait du journalisme de la liste des activités « AE-compatibles ».

Le pari peut être risqué. Surtout pour les droits sociaux. L’auto-entrepreneur touche plus d’argent à court terme. Mais pas de congés payés, ni d’indemnités chômage en cas de perte de travail. (...)

Plafonnés à 32 000 euros de recettes annuelles, les prestataires de services ont un revenu limité. Leur chiffre d’affaires moyen s’élève à 1 000 euros par mois, selon l’Insee, soit l’équivalent d’un petit Smic. La restauration et la construction sont les secteurs les plus rémunérateurs, tandis que l’action sociale, le commerce, l’enseignement ou la communication rapportent des sommes proches, voire en deçà du seuil mensuel de pauvreté. Difficile, donc, de mettre de l’argent de côté dans ces conditions. (...)

« On assiste à un nouveau niveau de sous-traitance qui génère du dumping social et fait baisser la masse salariale », constate Jean-Louis Frisulli, de SUD-PTT. Idem dans l’éducation privée, où le recours aux auto-enseignants permet de diminuer les tarifs des heures de cours.

Autre risque : la déprofessionnalisation des métiers.
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Hormis d’éventuels aménagements, supprimer ou encadrer drastiquement l’auto-entreprenariat n’est pas d’actualité, tout amendement ou toute suggestion en la matière ayant été pour l’instant rejetés.
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Selon Irène Pereira, le statut d’auto-entrepreneur est symptomatique d’un néocapitalisme « par projet ». On sait cependant ce que dissimule cette promesse d’autonomie individuelle d’épanouissement personnel dans le travail : la fin des collectifs et des métiers, l’isolement des travailleurs et leur totale soumission aux contraintes imposées d’un côté par le donneur d’ordre, de l’autre par le client. On en connaît les conséquences.

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