
Faute de piscines, de maîtres-nageurs ou de professeurs d’EPS en nombre suffisant, un collégien sur deux ne saurait pas nager à l’entrée en sixième. Une moyenne qui cache une situation encore plus préoccupante dans les quartiers populaires.
Des bouquets de fleurs ont été posés sur les rives du lac des Prés Saint-Jean, à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire). Cet endroit bucolique, qui accueille les pique-niques et les joggeurs du dimanche, a été le théâtre, il y a une semaine, d’un drame épouvantable : trois enfants de 9, 10 et 13 ans, deux frères et une sœur, y ont perdu la vie en se noyant. Pourtant, ils connaissaient les lieux ; ils s’y étaient déjà rendus les jours précédents, obtenant la permission de faire trempette pour se rafraîchir. Mais ce dimanche 8 juillet, hors de la vue des adultes qui les accompagnaient, les deux plus jeunes ont été surpris « par la déclivité du sol » et « n’ont pu remonter à la surface », a précisé le parquet. L’aîné aurait alors tenté de les secourir, en vain, avant de couler à son tour. La faute à un défaut de surveillance, ou à un terrain particulièrement dangereux ? Pas seulement. Le vrai drame est que ces enfants, d’origine modeste, qui habitaient le quartier défavorisé des Aubépins à Chalon, ne savaient pas nager.
121 PERSONNES SONT MORTES PAR NOYADE ENTRE LE 1ER JUIN ET LE 5 JUILLET(...)
Pourquoi de telles inégalités dans l’apprentissage de ce savoir-faire essentiel ? Le manque de piscines est avancé, en particulier dans les quartiers populaires. « En France, la plupart des bassins ont été construits dans les années 1970, beaucoup commencent à se faire vieux, résume Axel Lamotte. Le problème, c’est que les nouveaux sont souvent des piscines dites ludiques, sophistiquées, donc beaucoup plus chères. À 7, 10, voire 15 euros l’entrée, les gamins des quartiers ne pourront pas se les payer. C’est une vraie injustice. »
La deuxième ville de France, Marseille, symbolise bien ces défaillances. (...)
Un plan ronflant de 200 millions d’euros avait été mis sur la table qui devait permettre la création de huit nouveaux bassins et la réhabilitation de cinq autres. Résultat : depuis cette date, huit piscines ont été fermées et aucune créée… Et les gamins des quartiers Nord seraient 47 % à échouer au test de natation en 6e, contre 27 % pour le reste de la ville.
Même quand les structures existent, elles sont parfois contraintes de fermer leurs portes. (...)
Une situation sur laquelle les professionnels ne cessent d’alerter les pouvoirs publics depuis des années. « Chirac, Sarkozy, Hollande nous ont tous fait des belles promesses : plus de piscines, plus de maîtres-nageurs. Mais elles ont toutes fait pschitt », regrette le syndicaliste.
Les conséquences de ces errements se paient au prix fort, dès que les premières chaleurs apparaissent dans le pays.(...)
Pourtant, cela fait belle lurette que l’éducation nationale a fait du « savoir-nager » une « priorité nationale », depuis la première circulaire sur le sujet qui date de… 1965. Mais, dans les faits, l’institution peine à remplir son rôle (...)