
Ce livre, « Brûlez-moi, comme ça, je peux chanter ! » [1], raconte la vie de quelques familles rroms à Marseille. Dom et Kamar Idir, avec la complicité de Dominique Carpentier, partagent leur engagement aux côtés de Sabina, Sergiu, Petru, Mimi, Ramona, Marin, Vandana, Estera, Dorin, Samson, Florica, Moïse, Rezvan,… Des noms, des visages, des histoires que la société préférerait ne pas voir.
L’index du cahier photographique de Brûlez-moi égrène le chapelet d’un exode perpétuel : cité Bellevue, parking de la DDE, château Bel-Air, Le Rouet, porte d’Aix, îlot Chanterelle, jardin Guigou, rue Zoccola, chemin de la Madrague-Ville, caserne Cardot, terrain Véolia, marché aux Puces, La Parette, etc. Derrière ces noms parfois buccoliques, se cachent des squats, des cabanes, des roulottes, des bidonvilles souvent éphémères, toujours précaires. La litanie des lieux figure l’entêtement à survivre et, avec ce livre, à témoigner d’une situation insoutenable.
Le titre de cet ouvrage auto-édité ? Un vers improvisé par Tchepi au milieu des ruines et des pneus qui brûlent sur un terrain vague de La Capelette. Sans savoir jouer de la guitare, il brutalise les cordes et clame la détresse des exilés : « Ma princesse, ne t’inquiète pas, tu me reverras bientôt dans ton lit […]. Je ne suis pas venu ici pour être mangé par les rats et les poux / Je reste ici pour faire un peu de sous. »
« On voulait des histoires, de la parole vive, on n’est pas des chercheurs, il y a assez de discours comme ça, clarifie Dominique Idir. J’admire leur persévérance, leur capacité à toujours rebondir », ajoute cette Normande énergique dont les boucles d’oreilles, les cheveux flamboyants et les jupes longues la confondraient aisément avec les femmes qu’elle accompagne depuis une décennie. (...)
Selon Dom, les gadjés qui rejettent les Rroms expriment au fond une crainte inavouée. Ils paniquent à l’idée de découvrir dans ce miroir de l’hyper-précarité tsigane leur propre destin dans le monde tel qu’il va. « Il paraît qu’en Allemagne, première économie européenne, 25 % des travailleurs vivent en dessous du seuil de pauvreté », rappelle-t-elle.
« Brûlez-moi n’est pas un pamphlet, mais des portraits, des récits de vie. Ce sont eux qui ont décidé de prendre la parole en nous permettant de faire ce livre. » (...)