
Pour défendre la hausse des taxes sur les carburants, le gouvernement s’appuie sur l’argument écologique. Mais selon plusieurs membres de l’opposition, ces nouvelles recettes ne servent pas à financer la transition écologique. Ils ont plutôt raison.
Un "matraquage fiscal", une "taxe punitive"… Face à la flambée des prix à la pompe, les élus de l’opposition ont multiplié leurs critiques envers le gouvernement. Ce dernier a, en effet, augmenté les taxes sur le carburant et le fioul, au nom de l’écologie. Depuis peu, une autre petite musique affleure : la fiscalité verte ne servirait pas à financer la transition écologique, mais seulement à colmater le déficit budgétaire. C’est ce qu’a affirmé, par exemple, le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure mardi sur Europe 1. Pour lui, "le gouvernement fait les poches des Français, non pas pour de bonnes raisons, mais parce qu’en réalité il cherche à compenser les cadeaux fiscaux qu’il a faits par ailleurs".
Même lexique du côté de Christian Jacob, président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale : "Tout ça, c’est du baratin", a-t-il dénoncé jeudi dernier sur Europe1. "Aujourd’hui, où va cet argent ? Est-ce qu’il sert aux énergies renouvelables ?" (...)
Alors, qu’en est-il réellement ? En clair, si la hausse des taxes augmente les recettes de l’Etat, le montant alloué directement à la transition énergétique reste, lui, quasiment stable. Même si cela n’empêche pas le gouvernement d’utiliser le reste de l’enveloppe pour sa politique écologique...
TICPE, composante carbone... De quoi parle-t-on ?
Pour le comprendre, voici tout d’abord un rappel des points clés : le passage à la pompe coûte de plus en plus cher aux automobilistes français. En un an, le prix d’un litre de diesel a augmenté de plus de 20% et celui de l’essence de 14%. La faute, essentiellement, à la hausse du prix du pétrole, mais aussi à une fiscalité plus élevée. Car, en janvier dernier, la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) a augmenté : +7,6 centimes pour le prix du litre de gazole et +3,9 centimes pour le litre de super.
Et ça ne va pas s’arrêter. Le projet de loi de finances 2019 prévoit une nouvelle hausse : +6,5 centimes sur le diesel et +2,9 centimes pour le super en janvier prochain. Le gouvernement veut également supprimer le taux réduit de TICPE pour les routiers et continuer d’aligner la fiscalité du diesel sur celle de l’essence. Au total, 3,9 milliards d’euros de plus iront dans la poche de l’Etat grâce à la fiscalité verte. (...)
19% des recettes consacrées à la transition énergétique (...)
Quant à la composante carbone elle-même, difficile de savoir avec précision comment ses revenus sont employés. Un rapport du Sénat sur les recettes de 2016 donne un éclaircissement. "Sur les 4 milliards d’euros de recettes supplémentaires attendues de la composante carbone en 2016, écrivent les parlementaires, 3 milliards d’euros sont ’restitués’ aux entreprises, au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), et 1 milliard d’euros aux ménages, au travers des taux réduits de TVA applicables aux travaux de rénovation énergétique des logements et en faveur du logement social et du logement intermédiaire."
Verdict de la chambre haute : "La hausse de la taxe carbone est donc avant tout mise en œuvre dans une logique de rendement budgétaire."
Flécher, ou pas, les recettes de la fiscalité verte
En réalité, cette question interroge la philosophie de la fiscalité verte. (...)
Pour plusieurs associations environnementales, ces taxes devraient avoir un double effet positif :
En amont, une incitation à réduire sa consommation de carburants, via des prix plus élevés ;
en aval, des recettes utilisées pour financer des projets écologiques et/ou redistribuer l’argent collecté pour aider les ménages et petites entreprises à faire face.
Ces associations, comme la Fondation pour la nature et l’homme (ex-Fondation Hulot) et le Réseau Action Climat, ont réclamé que ces recettes soient fléchées et plus transparentes, sous peine de paraître illégitimes. Le gouvernement a bien augmenté l’enveloppe consacrée au chèque énergie (+23% de crédits) et celle destinée à la prime à la conversion (+50%), mais, selon elles, le compte n’y est pas. (...)