
Si l’on n’y faisait attention, le sort des comptables des enseignes Castorama et Brico Dépôt ne susciterait pas plus d’émotion que d’autres affaires similaires. Le service de comptabilité, soit 500 emplois, serait promis à la délocalisation vers la Pologne, selon les syndicalistes Force ouvrière de l’entreprise. Il ne s’agit pas pour Kingfisher, la maison mère de Castorama et de Brico Dépôt, de juguler des pertes, mais au contraire de générer dans les trois années à venir 700 millions d’euros de dividendes supplémentaires au bénéfice de ses actionnaires.
Pour comprendre cette histoire, il faut revenir à l’Elysée, en février 2014. François Hollande y réunit un Conseil stratégique de l’attractivité, qui rassemble des chefs d’entreprise. Sir Ian Cheshire, patron de Kingfisher, est présent et demande des modifications majeures du droit social français : liberté du travail du dimanche, réduction de la protection de l’emploi. Il promet en échange 5 000 créations de postes dans l’Hexagone. Sa demande sera exaucée, comme on sait : le recours aux prud’hommes réduit par la loi Macron I, le travail du dimanche élargi par la loi El Khomri, la liberté de licencier élargie par les récentes ordonnances sur le code du travail. Kingfisher pourra ainsi licencier en France sans qu’on ait à s’assurer qu’il ne fait pas de copieux bénéfices ailleurs en Europe, et/ou un plan de départs volontaires avantageux, baptisé « rupture conventionnelle collective », pourra être mis en place. Sir Ian Cheshire a légué à son successeur, Véronique Laury, une situation en or. (...)
Cette dernière aurait tort de ne pas en profiter : les ordonnances ne sont pas encore ratifiées par le Parlement que les grands groupes sortent les projets des cartons pour profiter de la nouvelle donne juridique. Engie, groupe privé dont l’Etat est le premier actionnaire, « expérimente », afin de « réduire ses coûts », la délocalisation de ses plates-formes de réponses téléphoniques en Afrique francophone (...)