
Tentatives de suicide, grèves de la faim, incendies volontaires : les signes de désespoir se multiplient au sein des centres de rétention administrative (CRA), où sont enfermées les personnes faisant l’objet d’une procédure d’expulsion. Des associations dénoncent « une machine à enfermer qui brise des vies », « un environnement carcéral oppressant » et font valoir leur droit de retrait. Une « maltraitance institutionnelle » niée par le ministre de l’Intérieur.
Selon un collectif de 21 associations de solidarité et de défense des droits humains, le gouvernement a « franchi une ligne rouge » dans sa politique d’enfermement. « Ces actes qui se multiplient à une fréquence inédite sont le résultat d’une politique inacceptable », écrivent les associations dans un courrier au ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner : utiliser l’enfermement en rétention comme outil d’une politique d’expulsion banalise la privation de liberté et « conduit à la maltraitance de personnes étrangères ».
« Violations massives des droits » (...)
Enfants traumatisés, familles séparées, emplois et logements perdus, personnes malades dont les traitements sont interrompus… Telles sont les conséquences de l’enfermement sur celles et ceux qui le subissent. Selon le gouvernement, focalisé sur sa volonté d’expulsions en nombre, la rétention serait nécessaire pour en accélérer le rythme. Même sur ce point, et sans partager cet objectif, les associations jugent que « les statistiques sont formelles : enfermer plus longtemps ne permet pas d’expulser plus ». Les violations des droits fondamentaux iraient par contre jusqu’aux expulsions elles-mêmes, parfois réalisées en dehors du cadre légal.
« On vit dans des conditions déplorables »
À cette politique d’enfermement jugée injuste, s’ajoutent des conditions de vie exécrables dans les centres de rétention. D’abord concernant la santé (...)
Une politique d’exception devenue la norme
Cette politique d’enfermement des étrangers existe depuis plus de 35 ans. Nicolas Fischer, du Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales, rappelle qu’il s’agit « d’enfermer des individus en dehors de toute condamnation pénale et hors de toute procédure judiciaire, afin de les mettre à l’écart et de les maintenir sous surveillance. » La pratique est d’abord informelle, jusqu’à ce que la loi Bonnet du 10 janvier 1980 lui donne un cadre légal. « Au lieu de demander la fermeture de ces centres, et que cela cesse d’exister, les associations ont préféré qu’ils soient légalisés », regrette Nestor*, membre du collectif « La Chapelle debout », qui agit aux côtés des personnes exilées.
Si, au début, cette politique reste exceptionnelle, elle se normalise peu à peu. Désormais « c’est le principe de rétention qui prévaut, observe l’avocat Sohil Boudjellal. (...)
« Le ministre ne semble pas comprendre l’ampleur du phénomène ni mesurer ses conséquences pour la vie et la santé des personnes enfermées sous sa responsabilité », estime la Cimade. Christophe Castaner a répondu à l’interpellation des associations en niant « la violence de la politique du tout enfermement, la maltraitance institutionnelle de ces lieux de privation de liberté ainsi que les pratiques illégales des préfectures, selon l’association.Une pétition en cours, interpellant le ministre, a déjà récolté 21 000 signatures.