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Center Parcs : la consolidation d’un monde marchandisé et artificialisé
Article mis en ligne le 19 juin 2015
dernière modification le 15 juin 2015

« A Poligny comme ailleurs, Pierre & Vacances précise ses ambitions pour et sur nos territoires - sur nos vies. Center Parcs n’est pas seulement une menace, c’est la consolidation et l’intensification d’un monde marchandisé et artificialisé déjà à l’œuvre. »

Nul besoin d’un historique très long : dans le Jura à Poligny, comme au Rousset en Saône-et-Loire, Pierre & Vacances précise ses ambitions pour et sur nos territoires ― sur nos vies. Ici comme là-bas, le tourisme de masse tente d’étendre son territoire et ses logiques.

Voilà quelques mois, l’association le Pic Noir — qui regroupe des citoyens du secteur de Poligny — a commencé à demander des éclaircissements, puis exigé « du débat » autour de la possible création d’un futur Center Parcs. Si sa démarche affichait une certaine neutralité dans un premier temps ― ses demandes étant cantonnées à la possibilité d’être informée afin de se forger une opinion ―, elle a progressivement affirmé une opposition résolue à ce projet. Ainsi, un travail de collecte d’informations, de diffusion de contre-informations, d’organisation de réunions publiques, a été mené par cette association.
Un « débat » encadré

Ce travail a sans doute permis de mettre une certaine pression sur le groupe Pierre & Vacances, qui ne souhaitait pas réitérer les erreurs stratégiques faites dans les Chambarans (Isère) et a sollicité la Commission nationale du débat public (CNDP) en 2014. Cette dernière a nommé une Commission particulière unique pour les deux sites du Rousset et de Poligny. Elle est donc en charge depuis le 23 avril d’organiser le « débat » jusqu’en juillet prochain. Sachant que Pierre & Vacances souhaite attaquer les travaux en 2017 pour ouvrir en 2019 ses deux nouveaux Center Parcs, on comprend mieux la nécessité pour eux d’en passer par l’illusion du débat pour en finir au plus vite, et passer enfin aux choses sérieuses…

Notre sentiment est que cette Commission est en réalité un instrument visant à la modification à la marge du projet dans le seul but de le rendre acceptable. (...)

Selon nous, la lutte contre Center Parcs ne peut se dissocier d’une réflexion et d’une action plus larges sur les questions du travail, du chantage à l’emploi, de la croissance. Refuser Center Parcs, c’est aussi, collectivement, s’autoriser à interroger l’utilité ou la nocivité de ce travail, de son sens, de sa finalité. (...)

Fin avril, le représentant de Center Parcs expliquait que le choix de cette parcelle de conifères correspondait aussi au fait qu’il jugeait inenvisageable d’imposer à sa clientèle la présence d’arbres défeuillés durant plusieurs mois d’hiver, rappelant son souci de « l’habillage arbustif ». Nous voulons redire à Pierre & Vacances ― pour qui la nature est un habillage, un décor, un support commercial ―, que nous ne voulons pas habiter, fréquenter, travailler, façonner, vivre et subir un monde dans lequel l’eau coule à 29° toute l’année, et dans lequel les arbres ne perdent plus leurs feuilles pour raison de marketing appliqué aux loisirs. Ce monde est stérile, mort. Il n’a pour nous aucun attrait. Nous n’en voulons pas ; même contre la promesse d’y trouver trois-cents emplois ― précaires de surcroît ―, ni même contre l’assurance d’y manger ou d’y écouler des produits locaux, bio, entre deux panneaux solaires.
Légitimes à refuser en bloc leur monde aseptisé

C’est aussi la raison pour laquelle nous n’en appelons pas au développement durable face à Pierre & Vacances. Leur vocabulaire transpire le capital, ils sont le développement durable. Nous ne reconnaissons pas le périmètre vert de la tête de gondole du capitalisme comme pertinent pour tenter de le mettre en échec. (...)

Contrairement à ce que nous rabâchent les communicants de Center Parcs à Poligny, ce projet n’est pas celui de la population, mais le leur, et nous réfutons l’idée que nous soyons tous sur le même bateau, et l’idée selon laquelle nous pourrions ― ou devrions ― co-construire ce projet ensemble. Les salariés qui travaillent pour Center Parcs le savent, ils ne seront jamais ses « collaborateurs » ― comme on nous l’a martelé à longueur de discours à Poligny ― mais ses obligés, parfois ses esclaves. (...)

À un univers clos, aseptisé, climatisé à 29°C, nous préférons le givre, les doigts gourds dans les gants mouillés. Au confort de la bulle qui progresse à coup de bulldozers, nous opposons, parfois à tâtons, la possibilité d’une marche. Au travail obligatoire, nous préférons tenter l’autonomie. À l’exutoire, nous préférons la liberté. Center Parcs est l’émanation d’un tourisme doux ? Alors, qu’il gèle à Pierre fendre ! Nous n’avons chaud que de nous tenir ensemble, sur les ZAD … et ailleurs ― avec les gens d’ici … et d’ailleurs.