
Ils sont 1,6 million de fauchés qui renoncent à affronter les démarches pour le toucher. Soit par découragement, soit par manque d’information… soit par choix.
(...) Le discours sur le « cancer » des assistés va prendre du plomb dans l’aile : Non, les pauvres ne pompent pas les finances de l’Etat jusqu’à la moelle. C’est le très officiel rapport du Comité national d’évaluation sur le RSA, remis ce 15 décembre à Roselyne Bachelot, qui le démontre. Plus de 1 million de foyers qui vivotent avec quelques heures de boulot et pourraient donc toucher un complément de salaire via le RSA "activité" ne le réclament pas. Un million ! Soit les deux tiers des ayants-droit qui regardent passer les plats.
Idem pour les chômeurs en fin de droit. Ils sont 1,8 million qui ne bossent pas du tout et pourraient bénéficier d’un RSA complet. Mais plus d’un tiers - 650.000 - ne le demandent pas. Et ils y perdent : pas vraiment gloutons, ces pauvres laissent ainsi filer 249 euros par mois en moyenne. « On est loin du discours selon lequel les gens grappillent un maximum d’aides », ironise Nicole Maestracci, représentante des associations au sein du Comité national d’évaluation. (...)
Les fauchés ne se pressent pas non plus aux guichets des caisses d’allocations familiales (CAF) : « Pour 1 euro de fraude, il y a 3 euros de rappel de prestations non versées au départ », souligne Philippe Warin. Et ces rappels ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan des prestations à jamais perdues. « Du coup, on a du mal à sensibiliser les collectivités ou l’administration sur le sujet. Ils nous disent : "Ouh la la ! ça va faire mal au budget !" » Mieux vaut continuer de noyer les allocataires sous des montagnes de formulaires.
Depuis 2009, les CAF passent au peigne fin 10.500 dossiers par an pour détecter les fraudes. « On pourrait en profiter pour repérer les allocations non réclamées, explique notre sociologue. Mais la Caisse nationale a refusé. » La chasse aux fraudeurs, c’est beaucoup plus porteur.