
Alors que les chantiers européens du coréen STX sont en vente, a-t-on appris le 24 mai, les salariés de Saint-Nazaire sont plus sereins que ceux de Turku, dépossédés par les Français des commandes décisives du paquebot Oasis. Quel site saura le mieux se vendre ? Reportage croisé, à Saint-Nazaire et à Turku, en Finlande.
Si la peur du vide n’est pas palpable dans l’estuaire de la Loire, c’est avant tout parce que les salariés nazairiens savent que l’État, actionnaire à 33 %, tend un solide filet de sécurité. A retardement, le gouvernement de Helsinki a révélé vouloir l’imiter le 8 mai en s’alliant avec l’allemand Meyer Werft pour négocier le rachat de son site, situé à 170 kilomère de la capitale finlandaise.
L’Oasis, raflé à la Finlande
La commande de l’Oasis 3, le plus grand paquebot du monde, logiquement censée revenir au chantier finlandais puisque c’est là-bas qu’avaient été assemblés les deux premiers modèles, lui a été raflée en décembre 2012 par son frère ennemi, Saint-Nazaire.
Aujourd’hui, sa cale sèche de 365 mètres de long et 80 mètres de haut est déserte. Pourtant, « quelques semaines auparavant, quand on croyait ce contrat de 1 milliard d’euros acquis, cela avait été célébré dans toute la ville », se souvient Sanna Forslund, ancienne responsable du projet Trooli de la municipalité, destiné à accompagner les travailleurs du chantier au chômage partiel vers une reconversion ou une recherche d’emploi.
À l’époque, la mairie de la cinquième ville du pays décide même de mettre un terme à ce programme cofinancé par le Fonds social européen, démarré en janvier 2010 parce que « 2009 avait aussi été une année catastrophique, le carnet de commandes était vide ». Avec la perte de l’Oasis, les 2 700 participants réguliers du projet Trooli sont de nouveau livrés à eux-mêmes.
Protectionnisme à peine déguisé
Explication de ce revirement : compte tenu de son endettement colossal, STX n’était pas capable de fournir seul des garanties aux banques. Or le gouvernement finlandais a estimé qu’en tant qu’industriel le conglomérat devait se débrouiller et a refusé d’apporter sa caution.
Contrairement à l’État français, qui a cédé à la pression de la maison mère au nom d’un protectionnisme à peine déguisé, en mettant en place un pool bancaire solide qui a rassuré RCI, le client américain. Résultat, Saint-Nazaire a remporté le gros lot. Et depuis, les commandes se sont enchaînées.
Les vases communicants de l’emploi
Par un effet de vases communicants, le carnet de commandes est quasiment vide. À long terme, le ciel semble davantage dégagé côté Atlantique qu’en mer Baltique, car le bassin d’emploi nazairien a su se diversifier à double titre. En dehors de STX, d’abord, avec le développement de Total, et surtout du secteur aéronautique. (...)