
La France reste l’un des plus fervents défenseurs d’une opération militaire au nord du Mali, afin de déloger les groupes terroristes ayant pris le contrôle de cette région. Le président Hollande, en visite officielle en Algérie mercredi et jeudi, va chercher à convaincre ses interlocuteurs du bien-fondé de cette option.
Si cette intervention a lieu, cela ne sera sans doute pas avant l’automne 2013. Les derniers événements au Mali, avec la démission forcée du Premier ministre, rendent la solution préconisée par la France plus compliquée à mettre en œuvre.
(...) Quoiqu’il en soit, si une telle intervention armée devient effective, il faudra veiller à ce qu’elle ne soit pas synonyme de nouveaux abus à l’encontre des populations locales déjà victimes de terribles exactions.
En effet, depuis qu’AQMI, le Mujao et Ansar Dine se sont emparés des principales villes du nord du pays fin mars dernier, les populations ont été soumises à de très graves abus. (...)
Human Rights Watch a largement et précisément documenté ces abus dans différents rapports et communiqués de presse.
Afin de protéger les populations du nord du Mali et alors que le Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) pourrait autoriser, d’ici peu, le déploiement d’une force africaine au nord du Mali, Human Rights Watch appelle les membres du Conseil de Sécurité à tirer les leçons de l’expérience de la mission de l’Union Africaine en Somalie (AMISOM). La situation qui a prévalu au déploiement de cette force en 2007 présente en effet de nombreuses similitudes avec le cas malien. Cette force régionale avait également été déployée sur ordre du CSNU afin de combattre des groupes terroristes.
Or, l’AMISOM est un mauvais exemple à ne pas suivre.
Dès son déploiement, l’on a fait état de violations du droit international humanitaire de la part des soldats de l’Union Africaine. Ces dernières ont été accusées d’avoir fait un usage indiscriminé de la force dans des zones habitées, notamment de tirs aveugles ayant causé de nombreuses pertes civiles.
La Somalie, qui était déjà une zone de non-droit pour les Shebabs (groupe islamiste somalien, ndlr), l’est également devenue pour les troupes de l’AMISOM. (...)
L’AMISOM a également montré à quel point le respect des droits de l’homme par les forces intervenant était décisif pour obtenir le soutien des populations. Or l’appui des communautés locales est l’une des conditions essentielles de l’efficacité d’une intervention.
Il est donc indispensable que la Mission de la CEDEAO au Mali (MICEMA) soit accompagnée d’une équipe d’observateurs et d’experts des droits de l’homme, dotée de ressources et d’un appui suffisants afin d’envoyer des rapports réguliers au CSNU et de vérifier, en toute indépendance vis-à-vis du commandement de la force, que les troupes africaines et maliennes ne se livreront pas à des exactions.
L’usage de la force par ces troupes devra également être soumis à des règles afin de minimiser les risques pour les civils. (...)
Certaines unités et certains éléments des forces maliennes, y compris au plus niveau, sont impliqués dans de très graves abus, y compris des arrestations et détentions arbitraires, des disparitions forcées, des cas de torture contre des militaires et des exécutions sommaires.
Une campagne d’intimidation et de violence à l’encontre de journalistes a aussi été orchestrée par les forces de sécurité maliennes loyales au capitaine Amadou Sanogo.
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