
Les entreprises en quête « d’or blanc » se lancent dans l’exploitation du lithium à l’échelle industrielle. Principal débouché : les voitures électriques. Cette intensification minière aura des conséquences environnementales et sociales, sur fond de corruption et de conflits d’intérêts.
Un océan blanc immaculé s’étend à perte de vue. Des bourrasques acérées balayent ce territoire inhospitalier. Situé à près de quatre mille mètres d’altitude, le désert de sel d’Olaroz voit depuis peu sa quiétude bouleversée. Au loin, le beuglement des poids lourds brise un silence absolu.
Prémices de l’ouverture, en août, d’un complexe dédié à l’exploitation du lithium dans le nord argentin. Une nouveauté pour le pays. Cinq ans après les premières explorations, la ruée vers « l’or blanc » passe aujourd’hui à l’étape supérieure. (...)
Les perspectives mondiales du lithium, monnayé aujourd’hui à 6 500 dollars la tonne, donnent le tournis. Une fois valorisé en carbonate de lithium, les usages sont multiples.
Ce métal mou sert à la bonne marche des batteries des véhicules électriques, des ordinateurs, téléphones portables, tablettes, sans oublier ses propriétés pharmaceutiques ou récemment dans l’aéronautique. Selon l’étude du cabinet américain McKinsey, la production de voitures électriques devrait dépasser celle des véhicules à moteur thermique dès 2030. De quoi attiser les convoitises.(...)
Tous les regards sont tournés vers le triangle ABC, pour Argentine, Bolivie et Chili, où se trouvent près de 85 % des réserves mondiales du minéral. Et chaque multinationale entend bien avoir sa part du gâteau. A ce petit jeu, l’Argentine rattrape à la hâte son retard sur ses deux voisins.
Contrairement à la Bolivie, le pays a largement ouvert ses portes aux compagnies étrangères. (...)
Corruption et conflits d’intérêts
Les communautés aborigènes de la région constituent déjà les premières victimes collatérales. « On a observé que l’eau se trouve partiellement salinisée », avance Silvana Morel, avocate écologiste et soutien juridique auprès des peuples indigènes. « C’est un drame pour eux, dépendants de l’agriculture et de la culture du sel. C’est tout un mode de vie qui est menacé. Les salares représentent également un lieu sacré, la Pachamama, qu’ils honorent chaque année au mois d’août. »
Plusieurs actions en justice ont été portées par la population locale afin de stopper ces projets. « Malgré une poignée de batailles gagnées, aucune jurisprudence n’existe à ce sujet. » Les mouvements contestataires se sont rapidement disloqués à l’annonce des promesses de créations d’emplois. (...)
UN GROUPE FRANÇAIS IMPLIQUÉ
Le groupe français Eramet est présent en Argentine depuis 2009. Jusqu’en 2011, un contrat de coopération liait l’entreprise avec le groupe Bolloré, fabricant, notamment, de batteries électriques et concepteur du véhicule Blue car. L’exploration d’un salar dans la province de Salta en Argentine s’est avérée un échec.
Depuis Eramet se consacre, seul, à un nouveau salar, toujours à Salta. L’entreprise « évalue le potentiel économique » du gisement et étudie « un procédé innovant pour l’extraction du lithium dont l’empreinte environnementale est sensiblement réduite en comparaison des procédés conventionnels, du fait de la diminution très significative des surfaces d’évaporation nécessaires. »