
Des drones d’attaque, un pays qui en bombarde un autre, une extension possible des combats : le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, pays connaissant un boom des formations paramilitaires, se déroule dans l’ombre de la guerre en Ukraine mais pourrait bien s’étendre
Il s’est récemment produit, en Europe mais ailleurs qu’en Ukraine, une violation des frontières, avec un déluge d’artillerie, l’utilisation de drones de combat, un ciblage spécifique des infrastructures énergétiques, et des décès de civils. Sans guère déclencher d’indignation internationale ni encore moins de soutien militaire à la partie agressée.
À Sotk, petit village arménien situé au-delà du lac Sevan, dans l’est de l’Arménie, à quelques centaines de mètres des collines qui abritent les positions des forces armées d’Azerbaïdjan visibles à l’œil nu, le feu a débuté le 13 septembre dernier, à minuit passé de cinq minutes.
« Je dormais quand les explosions ont commencé. C’était une surprise parce que même si on s’attend toujours à une agression des Azéris, je ne pensais pas que notre village et ses populations civiles seraient pris pour cible. D’après mon estimation, ce sont plus de 1 000 obus qui sont tombés sur le village pendant toute la nuit », dit Sevak Khatchatrian, 31 ans et chef administratif du village, en désignant le reste d’un missile Grad planté dans un champ.
« Pendant les trois premières heures, le bombardement était tellement nourri qu’on n’a pas eu d’autre choix que de rester dans nos maisons. Ensuite, nous avons commencé à évacuer à pied les habitants à travers les champs », poursuit-il en nous faisant pénétrer dans une habitation complètement détruite. (...)
Ce petit coin du Caucase cristallise en effet les divergences d’intérêts et les jeux d’influence d’un ensemble d’acteurs allant de la Russie à la Turquie, des États-Unis à l’Iran, d’Israël à la Chine, en passant par le Pakistan qui vend des armes à l’Azerbaïdjan et l’Inde qui fournit l’Arménie.
C’est à ce titre que le chercheur Georgi Derluguian estime que se joue ici une « petite guerre mondiale » et que le Karabagh, à l’instar de « Dantzig, Sarajevo, l’Alsace ou Jérusalem », fait partie de ces entités symboliques situées aux bords des empires qui peuvent « allumer la mèche de plus grandes conflagrations ».