
Dans le Gers, des militants occupent depuis septembre un terrain voué à devenir un parc photovoltaïque. Une rentrée d’argent bienvenue pour la mairie, une destruction d’espaces agricoles et naturels pour les zadistes.
Ce projet, en gestation depuis plus de dix ans, suscite la mobilisation de nombreuses personnes de la commune et des alentours. « C’est une lutte importante », déclare Y. à travers son cache-cou. Il siège sur la colline pour avertir ses camarades d’une éventuelle arrivée de la police.
« De plus en plus de terres agricoles sont artificialisées dans la région pour installer des parcs photovoltaïques, explique-t-il. On veut résister ici à Haget, et insuffler un vent de révolte contre tous ces projets qui détruisent l’environnement au nom de la transition énergétique. » (...)
Derrière la barricade, Y. fait la visite de la zad. Des cabanes en construction, une marmite sur le feu et quelques poireaux gisent dans un espace qui semble être la cuisine collective. Les autres militants, prévenus de l’arrivée d’un journaliste, portent également des tissus noirs pour se couvrir le visage. « Les voitures et les hélicoptères de la police passaient quasiment tous les jours au début de l’occupation », se souvient Y. derrière ses lunettes teintées.
Les militants écologistes vivent ainsi en communauté sur ces terres destinées à accueillir 15 000 panneaux solaires. (...)
« La lutte qui se mène ici est symbolique, on ne résiste pas seulement contre ce projet, mais contre tout un modèle qu’on nous impose et qui détruit le vivant. » (...)
Propriétaire de ce terrain vallonné de 7,6 hectares, classé Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique pour ses pelouses riches en orchidées, ses petites mares et sa faune, la mairie d’Haget a décidé de louer ce terrain à la société Cap Vert Énergie. Cette entreprise basée à Marseille et qui a réalisé un chiffre d’affaires de 75 millions d’euros en 2022, en progression de 50 % par rapport à l’année précédente, est spécialisée dans la mise en place de méthaniseurs, centrales hydroélectriques et panneaux solaires.
Le préfet du Gers a signé l’arrêté accordant le permis de construire le 20 mai 2022 après les différentes phases de concertation et de consultation des services de l’État. (...)
« Grâce à la location de ce terrain, la commune percevra chaque année plus de 12 000 euros », déclare à Reporterre celui qui se définit comme un « écolo et un enfant de la République ».
Opposition et « compensation »
Pour Marc Raber, personne dans ce petit village de 350 habitants n’est réellement opposé au projet. Pourtant, l’enquête publique menée jusqu’en avril 2022 a prouvé le contraire. 73 % des 56 avis transmis par courriel étaient contre le projet. (...)
À quelques kilomètres de la mairie, en direction de Rabastens-de-Bigorre, sur la colline bordant le futur parc photovoltaïque, une autre version se fait entendre : « C’est du capitalisme vert », affirme sans hésiter Y. dans sa tenue noire intégrale, « ces entreprises font du beurre sur la transition énergétique en artificialisant des terres agricoles. »
Ce jour-là, des habitants d’Haget et de Rabastens rejoignent les abords de la zad. Des sourires et des poignées de mains sont échangés avec les activistes écologistes déjà présents sur place. (...)
En plus des parkings et des toits de bâtiments, le gouvernement souhaite « libérer » du foncier et faciliter l’installation de projets photovoltaïques de ce type. En 2022, Emmanuel Macron a annoncé vouloir multiplier par trois la production d’énergie solaire d’ici 2050 pour atteindre 100 gigawatts.
Dans une question au ministre de l’Agriculture, le sénateur de centre-droit du Haut-Rhin Ludovic Haye note que cet objectif « suppose de couvrir entre 100 000 et 200 000 hectares, soit 0,2 % à 0,4 % du territoire français » avec des panneaux solaires, soit environ la superficie de la Guadeloupe. (...)
Sur les coteaux d’Haget, en plein soleil derrière la grande affiche « Résistance et Sabotage, Haget Sauvage », un nouveau visage fait son apparition. Sabine habite avec son mari dans la seule maison collée directement au futur parc photovoltaïque. « Je ne suis pas contre les panneaux solaires, loin de là, mais pourquoi ne pas privilégier les hangars ou les grands bâtiments pour le photovoltaïque ? Tout a été fait discrètement dans ce projet, il n’y a pas eu de réelle prise en compte de l’avis de la population. » (...)