
Ils œuvrent dans l’ombre de la grande fête de l’Euro de football, des centaines de travailleurs smicards aux rôles bien définis : orientation des spectateurs, sécurité, propreté. Ou encore : accueil des véhicules sur les parkings, comme l’auteure de cette tribune. Qui raconte ses soirs de matchs pour satisfaire le client invisible et exigeant qu’est l’Uefa.
Avachis ou raidis dans vos canapés, une nouvelle session foot commence. Bière à la main, pizzas sortant du four, les toilettes au bout du couloir pour la mi-temps. Vous êtes entre amis, vous êtes bien. On crache sur la France mais quand elle joue, les rues sont désertes et les bars bondés, sauf ceux qui ne retransmettent pas le match. Vous sentez un regain d’amour pour votre nation et quelque part, ça fait chaud au cœur, les terroristes n’auront pas réussi à vous enlever votre passion du sport. (...)
Sûrement que pour vous, les seules couleurs qui importent ce soir sont le bleu et le blanc et puis celles de l’équipe adverse à la rigueur, rouge pour la Suisse et l’Albanie, jaune pour la Roumanie, vert pour l’Irlande… et la pelouse, pas très belle pour ce tournoi, dit-on. Le tout saupoudré d’un peu de noir à l’arbitrage. Dans notre monde à nous, les couleurs sont tout autres. Le rouge, c’est les « volunteers », qui guident gratuitement les spectateurs des abords du stade jusqu’à leur place. Le bleu clair, ceux qu’il faut satisfaire, embauchés directement par l’Uefa (Union européenne des associations de football, organisatrice de l’Euro 2016). En jaune et orange, vous avez les stadiers et les agents de sécurité, qui vous fouillent, vous et vos voitures, quand vous vous déplacez pour voir le match en direct. Le noir et le bleu marine pour les CRS et les flics qui rodent un peu partout, gèrent la circulation et les débordements. Toutes les nationalités ont un point commun : elles aiment s’abreuver avant d’aller clamer leur soutien dans les tribunes. Donc le vert, c’est les agents d’entretien, qui passent des heures après le match à nettoyer les rues jonchées de gobelets, de canettes et de sacs plastiques multicolores, parce que, quand on aime (boire), on ne compte pas (les détritus). (...)