
Organiser un meeting, c’est facile : vous trouvez un micro, une sono, vous collez des affiches et vogue la galère. Sauf que ce n’est pas ça.
Organiser un meeting de gauche dans une ville socialiste, là, ça roule tout seul. Sauf que...
Le plus dur, en fait, c’est d’organiser un meeting et de se dire deux heures avant qu’ils vont être trop nombreux.
Et puis il y a les médias dont on se demande parfois, à les lire, s’ils étaient bien là ou s’ils en ont envoyé un seul, les autres recopiant ses notes.
En tout cas, voici le récit d’une journée d’une petite souris qui a vu, entendu, et qui raconte.
Echos, petits potins et faits divers politiques
(...) L’organisateur a indiqué à chaque groupe l’endroit où il devra se trouver. Il n’était pas Toulousain, ne connaissait pas le nom des rues qui débouchent place du Capitole et il palliait ses lacunes par des gestes qui finirent par faire rire des volontaires-bénévoles : « Quelle rue ? Celle où il y a une boulangerie ? Celle où on a vu un chien passer ? ».
Bon, ils ont fini par s’entendre et la suite prouvera qu’il le fallait. La consigne n’était pas sarkoziste, genre : « Avec tes gros biscottos, tu me fous à plat ventre les récalcitrants ». C’était : « Les gens derrière les barrières vont peut-être s’énerver, ils voudront avancer. C’est normal. Soyez patients, polis, calmes ». Le message passait bien. (...)
Les voitures de presse, bardées de matériel et surmontées de paraboles étaient en place depuis le matin. Tout près, un chapiteau abritait les journalistes. Une table leur offrait des douceurs peu dispendieuses : jus de fruits, eau, thé, gâteaux secs salés et ships. Les journalistes étaient à l’oeuvre, concentrés sur leurs ordinateurs portables. Je me demandais ce qu’ils écrivaient. La trame où il suffira, pour aller vite, parce que c’est la règle, de greffer quelques mots de l’orateur et des infos sur la foule ? Beaucoup étaient très jeunes, souvent des jeunes filles. Pigistes ? CDD ?
(...)
Jean-Luc Mélenchon parle de « précariat », mot fait avec « précaire » et « prolétariat ». Il propose de mettre fin à cet état. Combien de ces jeunes-gens nous feront un compte-rendu où se lira en filigrane que leur préférence, ou celle de leur employeur, va à d’autres candidats qui ne leur permettront pas de se sortir de cet servage moderne ? En les lisant sur Internet, j’ai eu la réponse.
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Chez les organisateurs, la nervosité ne baissait pas. On pouvait les comprendre, à ce moment-là. Car il était évident que la place du Capitole est trop petite et que, s’ouvrant chichement sur des rues étroites du Toulouse historique, elle pouvait se transformer en nasse. Or, la mairie freinait pour donner son autorisation définitive à l’ouverture au public de la place Wilson« par mesure de sécurité » . Deux écrans géants y avaient été installés malgré tout par le Front de gauche, des barrières posées, mais il n’était pas dit que cela pourrait servir. Pire, encore : il avait été envisagé par les organisateurs d’installer des écrans dans l’Avenue Alsace-Lorraine, large artère rectiligne qui sépare les deux places. Paf ! elle fut décrétée « axe rouge » par la Préfecture (qui obéit à qui ? A S... Sar.., Sark...). En clair, elle était réservée au passage des pompiers.
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18H45. Sous un ciel qui charriait des nuages pansus, la place du Capitole était bondée, rougie par des nuées de drapeaux. Beaucoup de jeunes, à croire qu’on avait réquisitionné une fac. Le concert allait commencer un peu en avance. Le réseau téléphonique saturait, les communications passaient mal.
Les « Grandes Bouches » ont fait chanter la place avec des chants qui parlent à l’intelligence politique, suivis des interventions de Nicole Borvo, Christian Piquet, et Myriam Martin (qui se dit étonnée de parler devant une telle foule).
Les rues débouchant sur la place du Capitole étaient à présent fermées.On pouvait sortir mais plus entrer. Il était temps. Les rues adjacentes se remplissaient, la place Wilson débordait.
Vous avez prévu trop petit, les amis. Ne l’avais-je pas prédit bien avant ? Mais qui me lit, moi, scribouillard, grand Maître de mon Personal Computer ? Passons. Oubliez ça et revenons à l’essentiel.
Alors qu’une pluie fine s’était mise à tomber, Jean-Luc Mélenchon arriva. (...)
Le discours de Jean-Luc Mélenchon a été plus bref que prévu et s’est terminé sur un cri d’amour et d’espoir (tu entends ça, Marine ?) : « Nous sommes au mois de Germinal, les bourgeons gonflés de vie s’annoncent déjà et dans cette France belle et rebelle, vienne le temps des cerises et des jours heureux ». Ovation, chant de l’Internationale et de la Marseillaise, et puis, en suivant, le bouquet : les nuages, longtemps patients, ont ouvert leur ventre d’un seul coup et vidé de solides paquets d’eau froide sur 70 000 têtes (dont 40 000 seulement furent mouillées selon la police).
Juste après, notez bien.
Pas une seconde avant.
Comme quoi, ils sont forts au Front de gauche ! Ou bien, ou bien, ou bien, Dieu, dont on a tout dit, et même qu’il n’existe pas (mais jamais que c’est un pétochard), Dieu a voulu faire savoir pour qui il va voter. Bon ne prenez pas ça au pied de la lettre, non plus. Quoique...