
Saint-Denis : accepter de « mettre sa vie entre parenthèses »
Dans l’artère principale de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), Fatou fait quelques courses, accompagnée de son fils de 7 ans. À partir de mardi prochain, celui-ci ne retournera pas à l’école pendant trois semaines. « Ça, ça ne change pas grand-chose. Je suis déjà au chômage partiel depuis un an et je peux le garder, raconte la gouvernante d’hôtel. Par contre, je suis privée d’un quart de mon salaire depuis tout ce temps, c’est le plus dur. »
À la tête d’une famille de quatre enfants, Fatou accepte de « se serrer la ceinture » et de « mettre sa vie entre parenthèses », dans l’idée que les restrictions « servent une bonne cause ». Ses économies s’épuisent, mais elle garde l’espoir « de voir le bout d’un tunnel » qui n’en finit pas.
Dans la plus grande ville du département, les rues s’adaptent aux contraintes des confinements successifs. Depuis deux semaines que l’Île-de-France est placée sous couvre-feu à 19 heures, sans restriction de sorties, la vie s’organise à l’extérieur. Dans le centre-ville, les habitants profitent des beaux jours pour se retrouver dans les rues et faire quelques achats depuis le pas de porte des commerces autorisés à ouvrir. Une manière de repousser, encore un peu, le casse-tête à venir.
Dans les quartiers populaires, les annonces d’Emmanuel Macron ont jeté à nouveau un froid. Et les populations, déjà surexposées à la précarité et au virus, redoutent les effets de la fermeture des établissements scolaires et du renforcement des mesures de restriction.
(...) Dans ce département, le plus touché par la pandémie, le taux d’occupation des lits de réanimation a atteint un pic de 172 % ces derniers jours. (...)
beaucoup des parents que nous avons croisés prennent les annonces présidentielles avec prudence, tout en songeant déjà au casse-tête de lundi prochain. À Paris, devant l’école primaire des Épinettes, dans le 17e arrondissement, c’est l’heure de la pause méridienne.
Les familles se pressent sur le parvis. Pas trop le temps de répondre aux questions. Elles doivent déjà jongler entre le télétravail et le déjeuner des enfants qui trépignent… (...)
« Je travaille la nuit et je dors le jour. Je fais comment pour le garder ? »
En coup de vent, Corinne nous confie son soulagement de voir l’école d’Eva, 7 ans, fermer. « J’étais inquiète de la propagation du virus. Je ne comprends pas qu’ils ne l’aient pas décidé avant », (...)
En Corrèze et en Haute-Vienne : « On oublie ceux qui vivent dans les campagnes »
À une centaine de kilomètres, dans le village de Moustier-Ventadour, dans la campagne corrézienne, Eva Bordas, élève de terminale, s’inquiète des conséquences d’un retour de l’enseignement en distanciel. « Certaines de mes amies habitent dans des communes où il n’y a pas beaucoup de réseau, c’est compliqué de suivre les cours en visioconférence, et, si elles habitent à plus de 10 kilomètres, ça va être difficile de leur apporter les miens », craint-elle.
« On dirait que ces mesures ont été pensées pour ceux qui habitent en ville, mais elles oublient ceux qui vivent dans les campagnes », se désole Marie-Claude Gamaury, une retraitée de 72 ans, habitante de Saillat-sur-Vienne (Haute-Vienne), commune limousine à 30 kilomètres de Limoges. Avec son mari Lucien, Marie-Claude allait garder ses petits-enfants un mercredi sur deux. Elle ne sait pas si elle pourra encore le faire. (...)
Peut-être qu’une attestation pour « motif familial impérieux » pourrait marcher ? « Je n’ai pas tout compris aux annonces, je les ai trouvées imprécises », conclut-elle.