
Depuis 2012, quelques milliers de personnes ont quitté l’Asie centrale pour rejoindre les rangs des djihadistes en Syrie, comme de nombreux autres combattants étrangers arrivés d’Europe, d’Afrique du Nord ou d’Asie. Pour certains, poussés par l’illusion religieuse, pour d’autres, l’appel des armes ; dans tous les cas, une alternative à leur vie sans espoir.
L’Organisation de l’État islamique n’attire pas seulement les combattants...
Ils sont combattants, mais aussi infirmiers, enseignants, ingénieurs. Les recrues de l’Organisation de l’État islamique (OEI) en Asie centrale n’ont pas de profil unique, et pas nécessairement les mêmes vocations. L’ONG International Crisis Group (ICG) écrit, dans un rapport publié en janvier 2015 :
Il y a des coiffeurs de dix-sept ans, des hommes d’affaires établis, des femmes abandonnées par leurs maris (qui ont pris une seconde épouse en Russie), des familles qui croient que leurs enfants auront de meilleures perspectives dans un califat, des élèves en échec scolaire et même des étudiants. » (...)
Parmi eux, de nombreux immigrés partis en Russie, où ils ne trouvent que des emplois mal payés, et où ils subissent discriminations et violence, et vivent dans des conditions très précaires. Pour eux, ce qu’offre l’OEI est attractif : sur les plateformes où elle recrute — Vkontakte et Odnaklasniki entre autres —, l’OEI promet une vie sociale épanouie, un mode de vie harmonieux, des services sociaux performants… Et en prime, un salaire pouvant aller de 2 000 à 4 000 dollars, quand le salaire moyen dans les pays de la CEI n’excède pas 250 euros. L’OEI ne cherche pas que des combattants, mais aussi des infirmiers, des ingénieurs ou encore des enseignants, qu’elle promet de faire travailler dans de « bonnes conditions de sécurité » (sic).
L’État islamique, une alternative aux « États faillis » (...)
On peut aussi comprendre cet « appel au djihad » comme une conséquence de l’immense frustration d’une population qui a totalement perdu l’espoir d’un changement politique et social. Mais les facteurs socio-économiques ne doivent pas faire oublier que l’engagement idéologique (l’idée de la guerre sainte pour faire triompher l’islam) est aussi un facteur important dans cette vague de départ. (...)
Quel rôle pour Moscou ?
Ahmed Rahmanov, dans un récent article publié sur le Huffington Post, accuse la Russie d’avoir contribué à la radicalisation des travailleurs migrants centre-asiatiques partis pour la Syrie, via la Turquie.
La montée du nationalisme russe, les violences et la discrimination envers les immigrés, ont renforcé l’idée d’une identité musulmane aussi bien pour les immigrés d’Asie centrale que pour les citoyens russes musulmans, comme par exemple les Tchétchènes. Le renforcement de cette identité est une réaction au rejet des musulmans en Russie. » (...)