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Claude Guillon
De la Somalie et de l’océan Indien comme lieux d’exercice de la piraterie capitaliste internationale
Article mis en ligne le 21 octobre 2013

Trois Somaliens âgés de 26 à 31 ans, accusés d’avoir pris en otage en 2009 les occupants du voilier Tanit, viennent d’être condamnés à Rennes à neuf ans de prison. L’avocate générale - qui exerce un dur métier - a estimé qu’ils avaient obéi à une motivation : « l’argent facile ». Comment se fait-il que des jeunes gens nés dans l’un des pays les plus misérables de la planète se trouvent en situation d’être kidnappés dans l’océan Indien pour être jugés et emprisonnés en France ? Un ouvrage collectif récent, intitulé Frères de la côte. Mémoire en défense des pirates somaliens, traqués par toutes les puissances du monde, publié par L’Insomniaque, fournit de précieux éléments de réponse.

Il n’est pas inutile de rappeler aux lecteurs et lectrices français - avant d’en venir à la piraterie somalienne - des données concernant l’importance économique du domaine maritime de la France, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles ne font pas partie de la culture générale. Lorsque l’on pense pêche et côtes, on évoque les rivages de l’Atlantique, de la mer du Nord et de la Méditerranée, la sardine de La Turballe, le fret de Marseille, et le passé négrier de Bordeaux et de Nantes. On ignore généralement que la France possède le deuxième espace maritime mondial, avec environ 11 millions de kilomètres carrés. Dans l’Océan indien - ce qui nous ramène à la Somalie -, on compte que la France dispose d’un espace maritime dont la superficie équivaut à cinq fois celle de l’hexagone.

Les îles, parfois minuscules, que l’on nomme les « confettis de l’Empire », par allusion à leur origine coloniale, continuent de faire de la France une puissance de l’Océan indien et lui assure par exemple un quasi-contrôle - à condition de disposer des moyens militaires de l’exercer - du détroit du Mozambique, l’une des routes mondiales d’acheminement maritime du pétrole. Comme l’expliquait, en 2006, Bruno Sarade, commandant de la Marine nationale et de l’aéronautique navale à la Réunion au site Mer et marine : « Autour de chacune de ces îles, nous disposons d’une zone économique exclusive de 200 nautiques, ce qui fait de la France un grand pays de l’Océan indien et la gardienne du passage stratégique entre le Cap de Bonne Espérance et les pays du Golfe. C’est un point d’appui fondamental ».

On comprend que le contrôle militaro-économique de ces espaces, au moyen de navires de guerre, de commandos de marine, d’hélicoptères et de drones, dépasse un peu le souci de la sécurité des plaisanciers, milliardaires en goguette ou au contraire fauchés sympathiques, qui s’y aventurent.

Le golf d’Aden, au nord de la Somalie (voir ci-dessous sur la carte extraite d’un atlas de l’époque coloniale, et la position de l’ancien territoire français en Somalie [2]), est situé, comme le rappellent les auteur(e)s de Frères de la côte, « sur l’un des plus importants axes maritimes du monde. Près de la moitié du trafic international des hydrocarbures y transite : en moyenne 45 porte-conteneurs et supertankers (transportant environ 3,5 millions de barils de pétrole) y passent chaque jour. Une trentaine de navires français emprunte cet axe tous les mois. »
(...)

« Il y a deux types de pirates, dit un chef de village d’Hobbyo, localité considérée comme la “capitale de la piraterie somalienne”, ceux qui attaquent les navires et ceux qui vident nos mers du poisson et déversent des déchets toxiques » (...)

Guerre aux pauvres d’abord ! Sur mer comme sur terre. Par tous les moyens meurtriers connus, traditionnels ou à la pointe de la technologie, légaux et illégaux, exhibés comme épouvantails ou dissimulés par l’éloignement et les tripatouillages juridico-financiers. Affamés, empoisonnés, fusillés et noyés.

Or le capital a toujours fait de la guerre un moyen de progrès (pour lui-même !). C’est pourquoi cette zone du globe est aussi un laboratoire d’expérimentation, pour tous les militaires et les conseillers en sécurité de la planète. (...)