
A-t-on le droit de « s’ingérer » ? Chez qui, pour quelles raisons, et pour faire quoi ? Qu’est-ce précisément que ce « droit » ? La Guerre au nom de l’humanité (1), du juriste et philosophe Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, analyse précisément cette notion qui a servi de fondement idéologique aux opérations militaires menées à titre humanitaire, mais qui a été rejetée par une majorité de pays car elle « ressemblait trait pour trait à ce que l’Occident avait pratiqué depuis des siècles, et voulait perpétuer, sous l’injonction autolégitimante de son opinion intérieure chauffée à blanc ».
Pour la remplacer, l’ancien secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU) Kofi Annan entendit définir une « responsabilité de protéger » les populations (« R2P ») : elle fut adoptée en 2005 par l’ONU, comme le rappelle dans sa préface M. Hubert Védrine, qui, en tant que ministre des affaires étrangères français, avait soutenu cette initiative. Revendiquant une approche interdisciplinaire et interculturelle, et s’appuyant sur une imposante bibliographie, Vilmer passe la doctrine de l’intervention humanitaire au tamis d’une série de critères — légitimité, nature, intention, dernier recours, proportionnalité… — afin d’en extraire les éléments d’une théorie réaliste, considérée comme un « moindre mal ». Il relève ainsi que « se reconnaître une responsabilité d’intervenir quand il est trop tard revient à éteindre le feu qu’on a soi-même allumé ». Il plaide donc pour qu’on remonte la chaîne des causes et conclut notamment que « l’appropriation juridique et politique d’un concept psychologique est problématique ». (...)