
Je suis face au petit parc qui d’habitude bat son plein par ses cris d’enfants, ses amoureux qui se bécotent sur les bancs, les femmes qui ragotent sur le quartier. Depuis le confinement, il n’y règne que les pigeons et les goélands. Pas très loin, un groupe de sans domicile fixe est là.
(...) Ils sont six depuis ma vision sans mes lunettes. C’est le deuxième jour de confinement, et je les vois de mon balcon, assis les uns à côté des autres. Il ont l’air aussi perdu que les volatiles. La mesure de sécurité d’un mètre n’est pas prise. Tout d’un coup, je me sens égoïste et je me rends compte que je n’avais pas pensé à eux. Comment vont faire ceux qui n’ont pas de toit ? Je les ai observés quasi toute la journée, ils étaient là comme si la vie continuait normalement. Disciplinée, je n’osais pas aller les voir, j’étais confinée. D’habitude, j’aurais enfilé mon manteau et serais allée leur demander s’ils avaient besoin de quelque chose. Mais je n’ai fait qu’attendre en les regardant de loin. J’étais si inquiète, ils étaient assis les uns près des autres, comme pour se tenir chaud. Cette proximité ne faisait qu’accroitre mon inquiétude pour eux. Nous qui nous martelons qu’il faut être séparés d’un mètre minimum.
De mon balcon, la vie s’est arrêtée. (...)
La vie s’est stoppée nette, du jour au lendemain et personne ne s’y était préparé. La télévision montrait les gens se ruer sur les denrées alimentaires. Avez-vous pensé à ceux qui n’ont pas d’argent, ni au quotidien, ni de côté sur leur compte genre épargne en cas de coup dur, pour recharger leurs placards et frigidaires ?
Ceux qui attendent leur CAF et allocation chômage pour faire des courses. Heureusement nous n’étions que le 16 mars, pour ma part il me restait quelques sous, mais pas de quoi remplir un chariot entier. (...)
J’ai fait des allées-venues entre mon salon et mon balcon de nombreuses fois. C’est à 22 heures seulement que le parc s’est entièrement vidé. Plus d’oiseaux, plus de sdf. J’ai regardé le ciel espérant qu’ils soient en sécurité.