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Reporterre
Discrètement, les projets de mines se multiplient en France
Article mis en ligne le 9 février 2016

Le sous-sol français excite les intérêts d’entreprises dont les permis de recherche se multiplient. Dans les régions concernées, les habitants croient d’autant moins au concept de « mine responsable » que les projets se montent dans l’opacité. La mobilisation grandit.

Bienvenue dans le sud de la France, à une vingtaine de kilomètres de Carcassonne : Salsigne, sa mine, fermée en 2004, et son bassin minier, pollué pour quelques milliers d’années. Ici, on a extrait de l’or et de l’arsenic pendant des décennies. Aujourd’hui, 600.000 tonnes de déchets sont stockées sur place. Impossible pour les habitants de manger les légumes de leurs jardins car les teneurs en arsenic du sol sont trop élevées. Et la liste des désagréments est longue : la commercialisation des légumes est interdite depuis 1997, on déconseille aux enfants de jouer dans la terre et de se baigner dans les rivières, il vaut mieux changer de chaussures pour entrer chez soi et laver le sol régulièrement…

De quoi inquiéter les nombreux Français qui voient les industries minières pointer le bout de leur nez dans la Creuse, en Bretagne, en Ariège, en Mayenne, au Pays basque… Comme le souligne François Espuche, le président de l’association environnementale Gratte papiers, Salsigne est devenu « le boulet d’une nation minière » : « C’est le contre-exemple... mais il n’y a jamais eu d’exemple », souligne-t-il.
Impacts sociaux, environnementaux et sanitaires

Depuis qu’Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif a plaidé pour que la France redevienne un pays minier, huit permis de recherche de métaux ont été accordés à des entreprises privées, et douze demandes sont à l’étude, d’après la carte Panoramine établie par l’association Ingénieurs sans frontières (ISF SystExt). (...)

Les habitants se disent mal informés. Ils redoutent les impacts sociaux, environnementaux et sanitaires des mines, dans des zones où le passé minier a souvent laissé un mauvais souvenir. La nuisance d’une mine se traduit dans l’air, l’eau et le sol. La poussière et les particules de métaux parfois nocifs s’échappent des cheminées, des travaux, des convois, et se déposent partout aux alentours de la mine. Les produits chimiques et l’arsenic présents naturellement dans la roche contaminent l’eau, qui s’infiltre dans le sol. Enfin, le ruissellement déplace les substances emmagasinées dans le sol vers des cours d’eau. De plus, l’exploitation d’une mine est très gourmande en eau, dont le recyclage, s’il a lieu, n’est jamais parfait.
« C’est une vraie cochonnerie »

On peut aussi redouter l’utilisation de produits chimiques, car les gisements dont il est question en France ont souvent déjà été exploités et leur teneur en métaux risque d’être plus faible, comme l’a expliqué à Reporterre un membre d’ISF SystExt qui a tenu à rester anonyme.

Les conséquences sanitaires peuvent être importantes. (...)

Les associations Sources et rivières du Limousin et Stopmines23 ont contesté auprès du tribunal administratif le PER dit « de Villerange » obtenu par la société Cominor, filiale du groupe La Mancha. L’association Stopmines23, qui organise également un festival, essaie désormais de convaincre les propriétaires terriens de refuser les forages. En Bretagne, où huit permis ont été demandés et quatre accordés, l’association Douar didoull (« la terre sans trou »), a aussi déposé des recours devant le tribunal administratif contre le permis de Loc Envel accordé à Variscan.
« En Australie et en Afrique, c’est rarement aussi compliqué qu’en France »

La mobilisation est destinée à ralentir les projets et compliquer la tâche des opérateurs miniers. « Aujourd’hui, dans le code minier [voir à la fin de l’article], (...) si on a le droit de chercher, on a quasi automatiquement le droit d’exploiter, explique Antoine Gatet, juriste de l’association Sources et rivières du Limousin et enseignant à l’université de Limoges en droit de l’environnement. Ce type de politique publique ne part pas de besoins locaux. On a une fausse bonne idée venue d’en haut », regrette-t-il.

Et la bataille se mène pied à pied. (...)

Du côté des responsables politiques, un projet de réforme du code minier attend patiemment dans un tiroir d’être examiné. Pour l’heure, ce code ne prévoit aucune procédure d’information, aucune consultation publique, et il n’évoque pas les risques environnementaux. Un avant projet de loi a été mis en consultation publique au mois de mars 2015.

Selon les premières moutures, il devrait évoquer ces questions et permettre de simplifier les procédures et les délais d’instruction. Autrement dit, ce texte peut être un frein à l’activité minière si la participation publique est intégrée en amont des projets… Mais il peut également faciliter la tâche aux entreprises minières pour développer l’activité extractive. De toutes façons, s’il n’est pas examiné dans les semaines qui viennent, avec les élections présidentielles de 2017, ce projet de réforme risque fort de n’être ressorti que dans plusieurs années. (...)