
Plus du quart des émissions nationales de gaz à effet de serre sont liées au secteur des transports. Si la voie fluviale est beaucoup moins polluante que le trafic routier, elle demeure sous-utilisée. Les nombreuses voies navigables sont délaissées.
Une société coopérative tente de changer la donne en développant un transport fluvial de bouteilles de vin biologique ou naturel. Elle profite du maillage du réseau fluvial qui traverse 80 % du vignoble français pour collecter les produits dans la vallée du Rhône, avant de les acheminer jusqu’à Paris. Une alternative en faveur de transports moins carbonés, entravée par les subventions au tout routier.
Face à la logique de rapidité du « tout camion », Cécile Sauthier et Raphaël Sauzéat font l’éloge de la lenteur de la voie d’eau. Ils ont créé en 2012 la société coopérative Alizarine. L’alizarine est un colorant rouge d’origine végétale, extrait de la racine de la garance auparavant cultivée pour la teinture. Ce nom, c’est aussi celui de leur péniche qui transporte des palettes de vin – rouge, mais pas seulement – entre la vallée du Rhône et Paris. (...)
La péniche Alizarine, trente-cinq mètres de longueur et cinq mètres de largeur, peut transporter cinquante palettes, soit trente mille bouteilles. L’équivalent de cinq camions frigorifiques. Partie du sud de la France, elle fait escale à différents points de chargement, des bords de la Méditerranée, desservi par le Canal du Rhône, jusqu’à Briare (Loiret) et son pont-canal sur la Loire, ou Reims et son champagne traversé par le canal de la Marne à l’Aisne 5. Une « ramasse » par camion est organisée chez les vignerons dans un rayon de vingt-cinq kilomètres autour de ces points de chargement. Certains vignerons amènent directement leur production au bateau. À bord, une grue embarquée permet de charger les palettes et de les stocker dans une cale climatisée où le vin est gardé autour de 15°C. (...)
Pour parcourir 900 kilomètres et franchir quelque 180 écluses, l’Alizarine a besoin d’une vingtaine de jours. À bord, pas de secousse. Le vin peut ainsi continuer son vieillissement naturel en cave. Et sans rupture thermique : une température constante est en effet importante pour les vins naturels – sans sulfites – qui sont souvent plus fragiles. « Ce transport militant demande de la part des producteurs et des clients une nouvelle démarche, très engagée, basée sur la lenteur, a contrario du modèle économique actuel basé sur la politique du flux tendu », précisent les cogérants de la coopérative. Pour l’heure, ce sont essentiellement des producteurs de vins bio et naturels qui adhérent à la démarche. Pour identifier et valoriser les produits transportés par bateau, une étiquette est apposée sur les bouteilles. (...)
Les distorsions de concurrence avec le transport routier compliquent la poursuite de l’aventure d’Alizarine. Emprunter les voies d’eau plutôt que la route entraîne un surcoût de 0,3 à 0,5 euros par bouteille. Face aux subventions dont bénéficient les camions sur la route, le combat est inégal (...)