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Slate.fr
Durement touchés par le Covid-19, les gens du voyage craignent le déconfinement
Article mis en ligne le 15 mai 2020
dernière modification le 14 mai 2020

Ce dialogue s’est tenu le 6 mai au Palais du Luxembourg, lors des questions d’actualité posées par le Sénat aux membres du gouvernement. La sénatrice de la Nièvre Nadia Sollogoub interrogeait Laurent Nuñez, le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, sur les rassemblements de gens du voyage après le déconfinement.

Nadia Sollogoub : « Les gens du voyage entament chaque année une traversée du pays jusqu’au sud. Ces grands rassemblements, pèlerinages de foi auxquels il est difficile de renoncer, concernent près de 25.000 personnes. Les maires sont inquiets. Ces déplacements ont-ils été anticipés ? Aurons-nous, sur ce sujet au moins, une longueur d’avance ? »

Réponse de Laurent Nuñez : « Durant le confinement, les gens du voyage ont respecté comme tous les Français les mesures prévues ; cela s’est fait avec l’appui des préfets et des associations. [...] Mes services sont en relation –excellente !– avec les associations représentatives des gens du voyage. Ceux-ci ont fait preuve de civisme jusque-là ; je ne doute pas qu’ils appliqueront les mesures sanitaires au-delà du 11 mai. »

Si cet échange est passé assez inaperçu sur la scène politique, il a retenu l’attention des gens du voyage qui, pour beaucoup, se sont sentis oubliés depuis le début de l’épidémie de Covid-19 et des mesures de confinement. « Le secrétaire d’État Laurent Nuñez a dit devant le Sénat que les gens du voyage avaient fait preuve de beaucoup de civisme, c’est quelque chose qui nous a vraiment fait plaisir car ces dernières semaines ont été très dures pour nous », confie Rémi Vienot, président de l’association Espoir et fraternité tsiganes de Franche-Comté.

« Des familles n’avaient plus rien et n’osaient pas réclamer de l’aide » (...)

La fermeture de la majorité des marchés a privé de nombreux gens du voyage de leur gagne-pain. Souvent indépendants, ils n’ont pas bénéficié des mesures de chômage partiel. (...)

Des histoires de gens du voyage en grande difficulté ont circulé. Dans le département de la Loire, les médias locaux ont rapporté que des gendarmes s’étaient mobilisé·es pour apporter une aide alimentaire d’urgence à une famille foraine en grande difficulté financière, dont le père menaçait de se rendre dans un commerce armé d’un fusil.

« Parmi les forains, ceux avec de gros manèges ont de gros emprunts à rembourser. La crise leur met beaucoup de pression. Et ceux qui ont de petites attractions comme un stand à chichi ne vivent que de ça, avec des petits revenus. Là, ils n’avaient plus rien. J’ai aussi entendu parler d’une tentative de suicide d’un forain qui n’avait plus rien pour nourrir sa famille », rapporte le président de l’association Espoir et fraternité tsiganes de Franche-Comté.
Le confinement a accentué la fracture médicale

À la faim qui a tenaillé des ventres dans certaines caravanes, la peur face à la maladie s’est invitée parmi les familles. « Il y a des communautés qui n’ont vu personne. Pas de gens de l’Agence régionale de santé, pas de médecin. C’est un sentiment d’abandon vis-à-vis des politiques d’urgence mises en place », se lamente Marc Béziat. (...)

La crainte d’un déconfinement pas adapté aux gens du voyage

Après le sentiment d’abandon éprouvé pendant le confinement, les gens du voyage craignent de se retrouver entre le marteau et l’enclume lors de la phase de déconfinement. Les paiements pour stationnement ont été suspendus sur les aires de passage pour la période du confinement, mais ils n’ont pas été annulés. Les porte-paroles de la communauté alertent sur le risque financier que cela fait peser sur une population fragilisée par la crise sanitaire. (...)

Dans une France déconfinée, les gens du voyage bénéficieront-ils de mesures adaptées à leur situation ? Dans son exercice de questions-réponses avec le secrétaire d’État Laurent Nuñez au Sénat, la représentante de la Nièvre Nadia Sollogoub disait vouloir « protéger les populations concernées », en détaillant : « Les familles risquent de se retrouver en errance sur les routes, confrontées à l’hostilité des populations sédentaires. N’attendons pas que les caravanes soient en chemin, et le maire planté en face au milieu de la route... »

Les gens du voyage craignent en effet d’être pénalisés par la règle de libre de circulation de 100 kilomètres autour du domicile. « Beaucoup de gens du voyage ne sont pas actuellement sur le lieu inscrit comme leur résidence principale. On espère qu’il y aura de la tolérance, mais comme souvent quand c’est une zone grise, il peut y avoir des manques d’appréciation pour ce genre de situation », déplore Marc Béziat.

Dans cette atmosphère pesante, l’annulation des grands rassemblements estivaux laïcs ou religieux des communautés de gens du voyage passe presque au second plan, même si c’est évidemment un brise-cœur de faire une croix sur ces migrations annuelles pour les nomades de la route. (...)