
Quelles leçons tirer du Forum Social Mondial de Dakar ? Que nous enseigne-t-il sur le FSM et la manière dont il pourrait être conçu à l’avenir ?
Les paragraphes qui suivent constituent une proposition de bilan du FSM Dakar, dont le caractère partiel et partial est assumé, qui ne s’attardera pas longuement sur les aspects quantitatifs. Il s’agit plus d’une première exploration de ce que Dakar nous apprend sur ce que signifie le FSM et sur la manière dont il pourrait être conçu à l’avenir.
Il a officiellement réuni autour de 75 000 participants, soit deux fois plus qu’à Nairobi. Il semble bien que ce chiffre n’est pas exagéré : le maintien des cours sur le campus de l’Université Cheikh Anta Diop, qui accueillait le FSM, a certes débouché sur de nombreux problèmes logistiques. Mais il a eu l’avantage de faire de ce FSM l’un des forums les plus ouverts sur la ville qui l’accueillait.(...)
Les caravanes qui ont convergé vers Dakar ont permis une participation importante, inédite même en nombre, de représentants de mouvements et d’organisations de base d’Afrique l’Ouest, de Mauritanie et du Maghreb. Prévues pour rassembler quelques centaines de personnes, elles ont finalement accueilli plus d’un millier de participant-e-s. Elles furent également un élément décisif de mobilisation et d’extension du forum : chacune de leur étape était, en soi, un petit FSM.(...)
L’absence de programme a sans aucun doute été préjudiciable à la visibilité de ses participants, rendant leur participation diffuse : les rencontres entre les membres de ces délégations et le reste des participants a principalement été le fruit du hasard. Les efforts entrepris par le Forum Social Maghrébin, en lien avec la commission expansion du Conseil international du FSM ainsi qu’avec le Forum Social Africain ont ainsi malheureusement été quelque peu gâchés. Néanmoins, le Maghreb et le Machrek restent aujourd’hui les régions où le processus des forums sociaux est le plus dynamique.(...)
Le FSM de Dakar a permis de mettre au centre de l’agenda altermondialiste des questions telles que (ou de confirmer leur importance) : l’accaparement des terres, les droits des migrants, la souveraineté alimentaire, etc. Or l’émergence de « nouvelles » thématiques est un élément fondamental. Ainsi, la participation massive des mouvements indigènes des Andes et de l’Amazonie au FSM 2009, a-t-elle contribué à déplacer l’arc des revendications altermondialistes, en provoquant son ouverture à la justice climatique et aux débats sur les droits de la nature, la terre-mère, l’extraction des ressources naturelles, etc.(...)
Le FSM de Dakar a permis de mettre au centre de l’agenda altermondialiste des questions telles que (ou de confirmer leur importance) : l’accaparement des terres, les droits des migrants, la souveraineté alimentaire, etc. Or l’émergence de « nouvelles » thématiques est un élément fondamental. Ainsi, la participation massive des mouvements indigènes des Andes et de l’Amazonie au FSM 2009, a-t-elle contribué à déplacer l’arc des revendications altermondialistes, en provoquant son ouverture à la justice climatique et aux débats sur les droits de la nature, la terre-mère, l’extraction des ressources naturelles, etc.(...)
Les « Assemblées de convergence pour l’action » constituent une avancée majeure dans le processus des forums sociaux.(...)
Elles soulignent le saut qualitatif, d’une expertise technique, sectorielle et compartimentée, principalement portée par les ONG du Nord, à une parole politique plus dense, plus complète et moins européo-centrée. La montée en puissance de l’expertise des mouvements sociaux et de la parole des exclus / discriminés (y compris à l’intérieur des grandes ONG) est une grande réussite de ce FSM (...)
Grâce aux Assemblées finales, Dakar a également joué un rôle clef dans la légitimation et le déploiement de l’agenda global des mobilisations 2011-2012.(...)
Les mouvements des Suds ont durablement pris le leadership intellectuel et politique sur le processus du FSM – à tel point que ce sont des organisations du Sud qui suggèrent d’organiser le prochain Forum dans un pays européen, confiantes en leur capacité à renforcer les mouvements européens et à les aider à provoquer un basculement.(...)
Dakar a bien évidemment été marqué par les processus de transformation en Tunisie, en Égypte, au Yémen, etc. Les problèmes logistiques et l’absence induite de programme papier n’ont malheureusement pas permis de donner toute sa visibilité aux efforts entrepris par la commission expansion du Conseil international et par le comité d’organisation pour créer des liens entre ces processus et le FSM de Dakar. Pourtant, les délégations en provenance du Maghreb, du Machrek, et plus généralement du monde Arabe (jusqu’au Yemen) étaient extrêmement importantes. Bien entendu, rien ne permet de dire que la dynamique des forums sociaux a eu un impact direct sur les processus en cours. Il serait largement exagéré et malvenu de prétendre qu’un lien de causalité, directe ou indirecte, unit la dynamique du FSM aux processus en cours. On ne peut cependant que constater une coïncidence frappante : 11 forums sociaux se sont tenus au Maghreb et au Machrek au cours de l’année 2010. (...)
Cette coïncidence/corrélation est, en elle-même, un succès politique : elle prouve que la forme-forum est en phase avec les mouvements de transformation contemporains, qu’elle résonne avec eux. Il n’y a qu’à voir comment toutes les diplomaties sont incapables de comprendre ce qui se passe, qu’à constater le silence d’une bonne partie des forces de gauche traditionnelles pour comprendre qu’effectivement, cette coïncidence n’est pas rien, et surtout : elle n’est pas due au hasard, c’est bien la construction politique des forums sociaux qui leur permet d’être ainsi en phase. Le soutien de Chavez à Kadhafi et les atermoiements des gouvernements équatoriens et boliviens sur le sujet sont bien la preuve qu’il ne suffit pas d’être du côté de la transformation pour comprendre la portée de tout processus de changement en cours. (...)