
La politique de l’Union européenne pour réduire le gaspillage énergétique a eu des effets bénéfiques. Mais au lieu de poursuivre sur cette lancée, les ambitions sont dorénavant très à la baisse, comme le prouvent la directive sur l’efficacité énergétique et la mise en place du nouvel étiquetage des appareils électriques.
Le Brexit domine l’actualité européenne et tend à écarter d’autres sujets non moins cruciaux pour l’avenir de l’Union. Tel est le cas des négociations en cours autour du « paquet énergie propre ». Il s’agit d’un ensemble de mesures (déploiement des renouvelables, efficacité énergétique, réforme du marché de l’électricité…) à mettre en œuvre au cours de la période 2020-2030 pour réduire la dépendance énergétique des États-membres et appliquer l’accord de Paris sur le climat. Avec entre autres objectifs une baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990.
La bonne nouvelle : la Commission européenne affirme désormais que les économies d’énergie doivent avoir la priorité dans ce vaste chantier. La mauvaise : ce mot d’ordre n’est pas suivi d’effet. (...)
Adoptée en 2012, cette directive avait fixé pour l’Union un objectif de baisse de 20 % de sa consommation d’énergie en 2020 par rapport ce qu’elle aurait été à cet horizon selon le scénario de référence [2] de 2007. Traduite en chiffre absolu, la directive efficacité implique de rapporter la consommation d’énergie primaire à 1.483 millions de tonnes équivalent pétrole (tep) en 2020, au lieu des 1.854 millions anticipés en 2007. De fait, cet objectif n’est pas loin d’être atteint, puisque la demande d’énergie primaire des Vingt-Huit était tombée à 1.530 millions en 2015.
Cette inversion de tendance ne s’explique pas seulement par la crise de 2008, par les prix élevés de l’énergie avant 2014 et les gains d’efficacité énergétique qu’ils ont entraînés, ou encore par la poursuite de la tertiarisation de l’économie. Elle est également imputable aux mesures réglementaires prises dans ce domaine et surtout à deux d’entre elles : la directive sur l’écoconception des produits et celle sur l’étiquetage des produits consommateurs d’énergie.
Les autres dispositifs, en particulier les standards sur les émissions de CO2 des véhicules, la directive sur la performance des bâtiments et le plafonnement des émissions du secteur électrique et de l’industrie lourde (le fameux marché du carbone) ont aussi joué un rôle, mais moins important, faute d’être assez contraignants. (...)
Née en 2005 et révisée en 2009, la directive écoconception vise à éliminer du marché les équipements les moins performants. C’est à elle que l’on doit, entre autres choses, la disparition des ampoules à incandescence. Actuellement, 28 règlements régissent autant de familles de produits, aussi bien à usage domestique (réfrigérateurs, téléviseurs, climatiseurs…) qu’industriels et commerciaux (transformateurs, ventilateurs, pompes…).
De son côté, la directive étiquetage, dont la première mouture remonte à 1992, cherche à attirer les consommateurs vers les produits les moins énergivores, en rendant plus transparente l’information sur leur niveau de consommation énergétique. Elle permet ainsi aux consommateurs de réaliser des économies à l’usage, même s’il leur faut pour cela payer un peu plus cher à l’achat pour des produits mieux isolés et bien conçus. Au départ limité aux appareils électroménagers, l’usage de la fameuse étiquette fléchée de A à G a été largement étendu à partir de 2011 : électronique, automobiles, logements, froid professionnel… Avec des résultats souvent spectaculaires (...)
Avec quel effet global ? Un rapport de 2016 de la Commission européenne quantifie les impacts des réglementations écoconception et étiquetage [4] à l’horizon 2020. Ils sont énormes. Par rapport à un scénario où ces mesures n’auraient pas été adoptées, les économies d’énergie primaire s’élèveront en 2020 à 165 millions de tep au niveau de l’Union européenne. C’est 18 % de la consommation énergétique des biens et des services couverts par ces réglementations, soit un dixième de la demande d’énergie primaire européenne totale. Et 7 % d’émissions de gaz à effet de serre en moins.
Pour les 500 millions de consommateurs européens, les économies d’énergie réalisées représentent un gain de pouvoir d’achat annuel de 112 milliards d’euros à l’horizon 2020, en prenant en compte le surcoût à l’achat des produits plus performants. Enfin, l’étude estime à 800.000 les emplois directs induits par ces mesures. Il ne faut pas oublier non plus les effets positifs pour la santé liés à la baisse des émissions de particules due à la moindre combustion des énergies fossiles.
Cette même étude montre cependant que l’essentiel des économies d’énergie devrait avoir été réalisé entre 2010 et 2020. Au-delà, le rythme des progrès devrait décliner rapidement, au fur et à mesure que les mesures mises en place réalisent leur potentiel. D’où la nécessité, pour l’après-2020, de relever l’ambition de la directive efficacité et des instruments permettant de l’appliquer, comme l’étiquette énergie [voir l’appui ci-dessous]. Le Parlement européen s’est prononcé en faveur d’un objectif d’efficacité énergétique de – 40 % en 2030 (par rapport à la projection du scénario de référence de 2007). Un effort en deçà duquel experts et associations écologistes jugent que l’Europe ne parviendra pas à tenir son objectif de baisse de 40 % de ses émissions.
L’affaire n’est pas tranchée, un compromis avec le Parlement européen devant encore être trouvé (...)
Des pays comme la France ou l’Allemagne ont certes défendu un objectif contraignant de – 30 % contre des pays du centre et de l’est de l’Europe qui voulaient un objectif de – 27 % non contraignant. Mais en réalité, leur position, qui était aussi celle de la Commission, n’était pas particulièrement audacieuse.
L’accord ministériel du 26 juin a également affaibli l’article 7 de la directive qui impose aux fournisseurs d’énergie de faire faire des économies d’énergie à leurs clients finaux à hauteur de 1,5 % des volumes d’énergie vendus annuellement. C’est cette obligation qui se traduit en France par le système des certificats d’économies d’énergie qui poussent les opérateurs à solliciter régulièrement leurs clients pour réaliser des opérations d’isolation ou d’achats d’équipements plus performants. Pour la période 2020-2030, le nouveau texte ne prévoit de maintenir cette obligation que jusqu’en 2025, puis de la réduire à 1 % de 2026 à 2030, sauf si la Commission juge en 2024 que l’Union risque de manquer ses objectifs. (...)
comme le rappellent les voix critiques, la Commission retient dans ses estimations que les investissements nécessaires doivent avoir un rendement de 10 % par an. Un niveau qui correspond davantage à ce qu’exigent des investisseurs privés que ce que requiert une politique publique d’investissement à long terme aux multiples retombées positives pour la collectivité, qu’il s’agisse d’emplois créés ou d’amélioration de la santé publique [6]. En retenant un « taux d’intérêt sociétal » de 4 % et en amortissant sur trente ans les investissements réalisés, le cabinet de conseil Ecofys conclut que les bénéfices du scénario – 40 % l’emporteraient sur ses coûts [7]. Mais, pour l’instant, ce n’est clairement pas cette logique qui domine.
LA MUE DE LA RÉGLEMENTATION ÉTIQUETTE-ÉNERGIE
La nouvelle directive sur l’étiquetage énergétique, qui est entrée en application le 1er août dernier, était très attendue. Elle rétablit l’étiquetage de A à G et élimine les trois classes A+, A++ et A+++. L’Union européenne les avait introduites dans les années 2000 de manière à tenir compte de l’amélioration des produits, au lieu de réviser le bornage des sept classes échelonnées de A à G. Une concession faite aux industriels, qui ne voulaient pas voir leurs produits rétrogradés dans le classement. (...)